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Sa main glissa dans l'air, sortant de la fenêtre ouverte qui emmêlait ses longs cheveux blonds. Elle tournoyait dans les volutes de l’élément alors que ses prunelles se fermaient sur ses yeux. Elle ne voulait voir les alentours, sentant simplement sous les roues du 4x4 le sol caillouteux. Elle ne voulait voir le regard focalisé sur l'horizon de ce père qui n'est pas le sien mais simplement l'époux de sa mère et le père de ce petit frère que les autres ne connaissent pas. Sally continue de jouer avec l'air mais une voix la fait brutalement arrêter. Il lui a parlé. Ôtant l'un de ses écouteurs, faisant taire la voix suave de son chanteur préféré, elle lève un sourcil, interrogative.

J'ose espérer que cette fois tu auras des résultats. J'espère que tu as conscience de tous les sacrifices qu'on fait pour t'offrir tes cours d'équitation.

Elle ne répond pas, ne daigne même lui offrir un regard et remet son écouteur manquant. Mais il ne lui laisse le temps de l'ignorer plus longtemps, lui arrachant, baladeur suivant la source de sa musique. J'en ai marre de ton sale caractère Sally. Je pourrais faire demi tour immédiatement tu le sais au moins. Elle lui jeta son plus noir regard avant de répondre, levant le menton comme lorsqu'une demoiselle du collègue ose lui résister. T'as qu'à faire demi tour si tu le veux. T'es pas obligé, si t'as pas envie de faire la MOINDRE chose pour moi t'as qu'à me laisser là ! Je suis pas ta fille, t'as aucun ordre à me donner sur mon caractère ou mon comportement ! Maintenant, s'il te plait Stan, rend moi mon mp4. Un grognement plus tard et elle se perdait de nouveau dans sa musique. Le trajet était long.

Le ranch se dévoila, derrière une ultime colline. Le bruit des sabots la fit sortir de son mutisme alors que ses yeux se remplissaient d'étoiles. Le paradis. Voilà une définition du paradis. La jeune femme ne pu s'empêcher de passer un peu plus la tête par la fenêtre, aux risques de tomber. Les chevaux les regardaient passer, dans leurs vastes pâturages. Quelques secondes et elle jalousa les Torgill. Et puis Stan se gara et elle capta les reflets du soleil dans ses cheveux. Ici, elle serait heureuse. Ici, les bêtes l'étaient. C'était dans l'air. Elle n'avait besoin de les voir pour savoir à merveille qu'ils étaient presque tous en pleine forme.

Que ce soit clair entre nous Sally. Si tes notes baissent, si tu arrêtes de réviser, tu ne remettras pas les pieds ici. Mr Torgill te fait un immense honneur en te remarquant et en choisissant de faire de toi sa cavalière. Mais ta mère et moi te feront tout arrêter si tu n'es capable de concilier tes cours et l'équitation. Elle ne l'écoutait qu'à moitié et répondit un simple Yes capt'ain avant de lui emboiter le pas, des étoiles pleins les yeux. Il allait les faire rentrer et leur présenter les chevaux. Sally ne parvenait à rester en place. C'était le grand jour. Le jour de tous les possibles.

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La journée avait commencé avant le soleil comme d'habitude, avec la chaleur saisonnière que tout rancher connaissait ici, dans les montagnes reculées de l'un des états les plus sauvages des Etats Unis d'Amérique. Les cattles gambadaient joyeusement quand les premières lueurs de l'aube pointèrent le bout de leur nez. Ce n'était pas la saison du foin, elles avaient leur intimité, pas de distribution matinale pour les déranger. Les estives sans clôtures s'étendaient sur plusieurs centaines d'hectares dans le domaine familial.

Jace s'étira lentement au soleil, posé sur son cheval rouan taillé comme un bœuf, et jeta un regard heureux à l'astre diurne. Grandpa Jake avait terminé les réparations du poulailler ce matin, et l'odeur délicieuse du chili de Grandma Sharon envahissait peu à peu les alentours du ranch. En haut des monts, on entendait glapir quelques loups, mais aucun puma n'était en vue ces derniers temps. Seuls les cerfs subissaient leurs attaques à la belle époque, les chevaux étant trop vifs pour eux, nourris à l'herbe riche du printemps. Tout aurait pu être parfait si Dingaan, le père du jeune cow-boy, avait daigné montrer le bout de son nez. Malheureusement il était bien trop soul, et dormait à poings fermés en ronflant comme un tracteur de l'an 1960 dans sa chambre au lit même pas fait, dans le haut chalet qui avait autrefois eu le nom de maison familiale de Jace. Ouais. Autrefois, il y avait cent ans peut être tellement ça lui paraissait loin. Mais tant pis. Jake et Sharon venaient une fois par semaine, c'était déjà ça. Le jeune garçon s'évertuait à leur dire que tout allait bien, que oui oui, son père allait mieux, qu'il aidait la semaine, qu'il prenait seulement une journée off les samedis. Ils ne cherchaient pas plus loin. Dingaan avait toujours été un peu sauvage -bien que beaucoup moins sauvage que son propre fils.

Les grands parents, cependant, étaient partis et le repas rangé quand Jace entreprit de rassembler les foals au corral pour en sélectionner un à débourrer et envoya ses quatre disciples seller leurs montures attitrées. Le ranch Torgil avait une réputation d'acier. Jace se cachait bien du fait que grâce aux cours et aux compétitions, il remboursait les dettes de son père, soit disant meilleur dresseur et éleveur du pays. Depuis le départ de sa femme, Dingaan ne montait presque plus et il avait été violemment bousculé l'année précédente par un mustang feral qu'on lui avait confié. Son fils avait dressé le cheval, recoller les morceaux du pot cassé et encore une fois gardé la face du ranch. Il promena un regard fier sur la propriété, sur les trois garçons de cutting qui revenaient des écuries avec les Quarters Horses les plus fins du pays et la jeune rodeo rider à califourchon sur une pouliche paint aux yeux glacés. Ouais, il savait produire les champions.

Un nuage de poussière s'élevait de la route en terre qui montait vers le ranch. Il inspira profondément, et adressa un sourire aux quatre cavaliers. Les gars, il y a une vingtaine de veaux à marquer dans le corral qui est derrière l'étable. Vous avez une heure, pas plus. Lesly, t'as six taureaux dans la carrière blanche. Travaille ton lasso, tes descentes, tes remontées en selle. Kirk est là si l'un de vous a besoin de quoi que ce soit. J'attend une visite, et je pourrais être disponible ensuite. Si vous finissez plus tôt que ça, je vous autorise à les emmener en balade. Lesly, si tu sors, tu fais gaffe à la jument. Tu sais combien elle vaut. La jeune rouquine ne répondit pas, et fit un signe de la tête. Tout le monde dans l'état savait combien valait Adiona Sparkling Coat. Peut être valait elle même plus cher que le ranch entier. Ils s'éloignèrent en bavardant, et Jace déplaça un peu son cheval sur ses épaules pour le mettre en avant vers le corral des foals. Il lui fallait un cheval pour cette fille qui venait, si elle était si douée que ça. Et pas juste 'un ch'val'. Un Cheval. Enfin, sauf si elle en avait déjà un...

Le 4X4 se gara sur le parking, et il regarda la jeune fille repérée, pour une fois, par Dingaan sauter de l'engin. Il ne s'attendait pas à ce que son cœur descende brutalement dans son estomac. Sans le moindre doute, c'était une barrel racer... Une de ces filles qui montent comme des centaures, et vous font tourner la tête avec leurs sourires et leurs cheveux trop jolis pour êtres ceux de championnes normales. Et merde. Jace serra les dents une seconde, se composa un sourire, et mit pied à terre d'un mouvement souple, allant vers les deux personnes d'un pas assuré. Il était timide, mais pas sur son territoire de loup solitaire, prince et roi en son domaine vital. C'était bizarre, elle lui disait quelque chose... Il ignora superbement l'homme avec elle, et tendit une main amicale vers la jeune femme. Bonjour. Tu es Sally Wellington, c'est bien ça ? Je suis Jace Torgil, le fils de Dingaan. C'est bien toi qui viens pour du barrel racing ? Oh, pourvu qu'on entende pas trop son accent de rancher mal dégrossi, c'était la honte...

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Le regard qu'elle croisa fit bondir son coeur mais elle ne détourna pourtant pas les yeux. Il était... Différent des autres. Un regard bien plus clair, un regard qui perçait à l'intérieur de tout ce qui passait a porté de main. Le coeur de Sally se serra, une seconde de trop. puis son éternel sourire qui faisait chavirer revient sur ses lèvres alors qu'elle lui offrait. Elle baissa la tête alors qu'il s'adressait à elle, son sourire s'élargissant, se faisant plus mutin. Elle n'offrit la moindre parole à son père, heureuse d'être le centre de l'attention. Ses parents lui juraient qu'elle n'était pas si douée que ça. Mais les résultats ne mentaient pas. Le visage de Mr. Torgill qui s'était approché d'elle non plus. On disait que le propriétaire du plus beau ranch de la région avait l'oeil. Sally croisait les doigts pour qu'il ne se soit pas trompé.

Enchantée. Et oui, c'est moi. Ton père m'a dit que je devais venir faire des compétitions à vous. Enfin si je le voulais. Et du coup je suis là.  

Nouveau sourire ravageur de ses lèvres qui savent parfaitement le pouvoir qu'elles ont sur les hommes. Dire que derrière la réputation que la blonde a déjà, elle n'est que pudeur et sagesse. Aucun d'entre eux ne peut imaginer ce qu'elle est vraiment. Sally quitte un instant le regard de son vis à vis, se fixant sur les environs. Les chevaux. Il y en a tellement. Comme dans un rêve qu'elle ne peut espérer réel. C'est elle. Elle d'entre toute qu'il a choisi. Et, alors qu'elle se perd un peu plus dans des rêves, elle voit ce jeune homme aux instincts de loups. Mais elle ne doit se fixer sur lui. Elle n'est pas là pour un garçon. Elle est là uniquement pour cette passion qui pourrait la mener à sa tombe.

J'ai amené mon CV dans le doute si ton père veut... Son beau père la coupe, sans même lui laisser la chance de terminer sa phrase. Je suis désolé Monsieur Torgill mais c'est avec votre père que nous avions rendez vous. Nous sommes là pour parler entre adulte voyez vous. Je suis Monsieur Smilton, le père de Sally. La jeune femme lui envoie un regard sombre, mais se fixe sur ses deux pieds, croisant ses mains sur son torse. Elle garde le silence. Après tout, son père n'a pas tout à fait tord. Ce n'est pas encore elle qui se gère.

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Sans pouvoir s'en empêcher, Jace se sentit relever un sourcil. Le regard plus dur, il jaugea l'homme de la tête aux pieds, sans la moindre gêne, les bras croisés. Non mais, de quoi je me mêle ? Une chose était certaine, lui, il n'y connaissait strictement rien aux chevaux, ou à quoi que ce soit les concernant. Et puis oh, d'abord, ça voulait dire quoi ça, "entre adultes" ? Si le ranch avait reposé sur des adultes, il serait vide depuis longtemps, ducon ! Bon. Se calmer.

Le cheval rouan s'ébroua derrière lui, et le brun lâcha un claquement de langue qui exprimait parfaitement bien son agacement, et son mépris aussi. Certes, il était très gentil, mais avait un mépris profond et inexplicable pour les gens qui s'imaginaient supérieur à lui quand ils marchaient sur ses plates bandes. Aah... Je vois. Mais voyez vous, il se trouve que la vie des ranchs ne se résume pas à des rendez-vous fixés, mon père a du partir pour une urgence, et ne rentrera pas avant la nuit. Etant responsable de l'entraînement des nos challengers, et moi même détenteur de plusieurs titres de champion de rodéo junior, je pense être à même de remplir le rôle qu'il aurait du avoir. Heureusement qu'il avait appris à mentir avec aplomb. Et puis zut hein, c'était lui le compétent dans l'histoire, pas ce type avec son gros 4X4 tout neuf et ses grands airs. Et aux dernières nouvelles c'était sa fille qui allait monter à cheval, pas cet espèce de lagopède égaré chez les loups.

Il se tourna à nouveau vers la jolie jeune fille, contrôlant tant bien que mal les à coups dans son rythme cardiaque, et se composa un sourire sérieux. Ton CV peut rester dans la voiture, Sally. C'est bien d'y avoir pensé, mais les chevaux se fichent pas mal des congénères que tu as monté auparavant. Et moi ce qui m'intéresse, c'est tes capacités autour des miens. Ma première question en fait, c'est celle là : qu'est-ce qui te motive, et est-ce que tu penses que tu es capable de tenir le choc ? Nos entraînements sont cinq fois par semaines, trois à quatre heures chaque fois, et on sort au moins une fois par mois au printemps, deux fois par semaine l'été. La deuxième c'est, tu as un cheval à toi, ou pas ? Pas difficile de remarquer que son ton s'était largement radouci. Il n'était pas dit qu'il traitait mal ses champions, de toute façon. Il les motivait, les cadrait, mais ils avaient libre arbitre pour leur riding style. Chacun son identité. Il était le meilleur, c'était la seule certitude égocentrique qu'il s'autorisait. Personne ne savait plus y faire avec les chevaux ou les challengers par ici.

Il s'accouda au corral des foals, et lança un sourire timide à la cavalière, pointant l'index vers les douze chevaux qui s'agitaient là dedans, soulevant des geysers de poussière. Parce que, si non, il va falloir choisir un de ces monstres pour toi. Mes cavaliers travaillent avec leur monture dès le débourrage. On ne gagne pas sans feel, ni lien. Et si l'autre crétin rouvrait la bouche, il allait sûrement le balancer au milieu de ces douze furies rapatriées la veille depuis les estives. Les deux étalons en seraient ravis.