Le cœur du garçon battait de plus en plus fort alors qu’il courrait, tentant de faire disparaitre son ancien score. Aèl a ses côtés l’encourageait à demi-mot et Lydia le fixait, muette pour la première fois. Dans son uniforme de cheerleader, la blonde était si belle. Mais Mathieu n’avait pas le temps de la regarder, il devait y arriver. Forçant sur ses muscles, sentant sa respiration se faire plus difficile, il évitait toutes déconcentrations. Le point le cueillit en plein visage et il se sentit voler sans même sans rendre contre. Un cri retentit, celui de sa petite amie et il se remit sur ses pieds en moins de temps qu’il n’en fout pour le dire, ses yeux lançant des éclairs. Aèl fut à ses côtés en quelques secondes et les muscles de leurs phalanges craquèrent en même temps. Mathieu essuya du revers de poignet le sang qui coulait de son nez et les deux amis bondirent comme des sauvages.

La caresse de l’eau sur son visage lui fit le plus grand bien. Lydia ronchonnait en essuyant son arcade sourcilière ensanglantée, pendant que les lèvres de Mathieu se tendaient sur un sourire. Il regarda son meilleur ami et s’apprêta à parler mais la blonde le devança, regardant les deux garçons les sourcils froncés, sans aucun traitement de faveur pour l’un comme pour l’autre. « Je commence à en avoir marre de vos bagarres répétitives les gars là ! Je suis pas une maman ! » Mathieu éclata de rire et fulminante, la blonde lui jeta son torchon ensanglanté à la tête avant de tourner les talons, levant son majeur face au sourire de l’héritier Alaric. Ce dernier se remit sur ses pieds, essuya rapidement le sang qui coulait encore sur son yeux et lança à Aèl :

« Ca va lui passer, elle boude, comme d’hab quoi. Bref, bon retour chez toi gros… Pis bonne chance. »

Il préféra ne rien ajouter. Tous les deux savaient ce qui les attendait. Mathieu sentait encore les coups de la veille dans ses côtés et il alluma la radio de la Maserati trop fort, se faisant exploser les tympans pour essayer d’oublier. Son père était là ce soir. Et ce soir, tout serait fini. Il ne laisserait pas une seconde de plus le général avoir tant d’influence sur lui. Il s’était entrainé, ses muscles n’étaient pas uniquement là pour faire présent. Le goût du sport, vaste blague. C’était loin d’être sa motivation première. Il avait autre chose qui roulait dans son sang, ce même sang dont il sentait le goût sur ses lèvres. Il tuerait ses cauchemars dans l’œuf.


Le portail s’ouvrit sur les aboiements de rottweilers.  Mathieu sentit son cœur se serrer. C’était bien beau de faire des promesses, encore fallait-il les tenir. Il avait envoyé un sms à Lydia en s’excusant de sa conduite et puis avait garé la voiture, avalant douloureusement sa salive. Il entendait la voix de son père, les aboiements des chiens qui résonnaient encore plus fort à ses oreilles. Appuyant quelques secondes son front contre le volant de la voiture, il inspira et expira profondément, la peur au ventre. On ne tue pas une peur profonde avec de belles paroles. Le blond passa la main dans ses cheveux, calmant son cœur qui battait trop vite. Il avait l’impression d’avoir passé une vie sous l’eau et de reprendre seulement son souffle. Il inspira une nouvelle fois, glissa ses clefs de voiture dans sa poche et ouvrit la porte du garage. Les posant dans l’entrée, il croisa son père et lorsque ce dernier vit le sang sur le visage de son fils, il se leva, le dominant de toute sa hauteur.

« Mathieu Alaric… Vous pouvez m’expliquer ! »

Le jeune homme prit une profonde inspiration, ses prunelles se fixant dans leurs jumelles. La boule au ventre,  il répondit la vérité et le coup parti. La main du blond le bloqua et les yeux de son père s’élargirent de stupeur. Tenant toujours le poing, ses doigts se plièrent et il frappa à son tour, dans les côtes flottantes. Gerlad Alaric grogna et Mathieu vit la silhouette de sa mère se dessiner à la porte. La main de la mannequin se leva jusqu’à sa bouche qui formait un parfait « o » de stupeur et le jeune homme lâcha les doigts de son géniteur, son regard devenant aussi dur que la glace.

« Tu ne porterais JAMAIS plus la main sur moi ! Je ne suis plus un gamin qui se laisse faire comme aux premiers jours père »

La voix avait tonné dans le silence qui s’était brusquement installé et Mathieu monta dans sa chambre. Sitôt passé la porte de bois massif, il s’effondra, perdant le peu de force qu’il avait montré devant son père. Des larmes roulèrent sur ses joues mais il ne chercha pas à les essuyer. Il avait réussi. Il lui avait tenu tête et peu importait si les coups continuaient. Maintenant, il savait qu’il pouvait le faire gémir à son tour, éviter de se retrouver terrer dans son coin, à regarder les marques violacées sur son corps se faire de plus en plus nombreuses. Il lui avait tenu tête…