3 Décembre 2030

Il ne fallait jamais rencontrer personne dans ce métier là. Il l'apprenait à ses dépends en la personne de Selena Torgil, de son nom de jeune fille Selena Oldigez, quatre ans de moins que lui. Elle avait débarqué dans l'horizon judiciaire de New York City sans prévenir, aussi tenace et décidée que des avocats ayant plusieurs années d'expérience. Il l'avait toujours respectée. Et aujourd'hui il était divorcé, seul comme du temps des ans lycée, et son mental n'avait pas changé d'un iota. Il savait qu'elle était mariée, sans doute très heureuse avec sa petite famille, mais il n'avait pas s'empêcher de vouloir l'approcher dès le début. Alors une occasion telle que ce pari puéril, pour rien au monde il ne l'aurait laissée passée. Il vérifia ses cheveux dans le rétroviseur central de sa voiture, l'heure, et se glissa hors de l'habitacle avec son iris rouge à la main. Connaissant sa ponctualité, elle ne tarderait sans doute pas. Sauf si finalement elle ne venait pas...

Il releva la tête vers les lueurs effacées des étoiles. Il avait toujours voulu l'inviter, et à présent il n'était pas tout à fait sûr. C'était vrai, elle avait raison, il était possédé par le démon de l'argent; et elle était mariée et avait un fils avec son mari. Il se souvenait de cet homme, du sourire qu'ils s'échangeaient en silence. Elle avait l'air heureuse. Peut être parce qu'elle le voyait peu ? Il ne pouvait pas savoir ces choses là. Et puis qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Il fallait qu'il se reprenne à la fin, lui sa raison de vivre c'était de draguer le plus de belles femmes possible, et pas de devenir un idiot transi, et puis si il ne parvenait pas à la détourner tant mieux pour sa famille, il ne serait au moins pas coupable d'avoir fait éclater une gentille petite famille paisible.

Son stress retomba un peu, et il s'alluma une cigarette pour finir de se détendre avant le rendez vous. C'était vrai, cette femme était magnifique mais s'il ne pouvait pas l'avoir, il irait voir ailleurs et tant mieux pour la petite tribu Torgil. Ou peut être divorceraient ils quand même, mais il n'était pas devin. Il y en avait d'autres des femmes, et il en avait d'autres des soucis dans sa vie. Être avocat n'était pas exactement reposant, surtout quand on devait tourner. Dans ce cas là, c'était on accepte les contrats proposés, on se fait payer et on se donne coûte que coûte même si on sait que la personne qu'on défend devrait se prendre une belle punition, juste pour avoir la réputation d'un homme qui ne lâche rien et qui gagne. Il soupira. Il verrait bien, après tout.

3 Décembre 2030

De tous ceux qu'elle avait rencontré en arrivant à New York, Gregory  Mayne était le pire de tous. Un avocat aussi tenace qu'un chien accroché à sa branche, qui ne laissait jamais rien passer, pas le plus petit détail. La déculotter qu'il avait mis à son enquête ne l'avait pas laissé de marbre. Elle le détestait de défendre ainsi des criminels, oubliant les valeurs humaines pour la simple mention du mot argent. C'était pathétique. Pourtant, lorsqu'elle déposa une bise sur la joue de son fils -qui détourna immédiatement la tête, fuyant le contact de sa mère- Selena savait qu'elle allait se rendre à ce rendez vous. Ce n'était pas bien, mais elle était curieuse. Et puis, son couple battait de l'aile et elle en venait même à se demander si elle était toujours amoureuse du cow boy qui avait sut la faire vivre à nouveau. Elle sourit avec un grand geste de la main pour son fils qui montait avec la compagnie de l'homme qu'elle avait payé mais le gosse ne répondit pas, les écouteurs visés dans les oreilles, déjà partie dans un autre monde. Inspirer, expirer. Calmement.

Il y avait des bouchons, comme toujours à New York. La belle brune fixa son téléphone, avant d'accrocher sa dernière boucle d'oreille. Vu le restaurant où l'avocat l'amenait, elle avait sortie ses plus beaux atours, heureuse d'encore rentrer dans ses robes de lycée. A l'époque où elle sortait en compagnie de Mathieu dans les soirées mondaines. Temps bien révolu, et depuis longtemps. Dingaan ne laissait rien passer, la voulant femme soumise à la maison mais l'hispanique avait bien trop de caractère. Alors ils vivaient à des centaines de kilomètres l'un de l'autre et petit à petit, la flamme qui avait illuminé son regard au début disparaissait. Elle ne savait ce qu'elle attendait encore de lui. Glissant ses clefs et son portable dans la pochette accordée à sa robe bleu nuit bordée d'argent au niveau de la poitrine, elle sourit au taximan dans le rétroviseur et laissa son visage se poser contre la vitre, perdant son esprit dans les buildings qui défilaient. Elle était comme eux, brillant des milles lumières de l'arc en ciel, reflétant tous ceux qui s'approchaient d'elle, cherchant à aller plus haut pour finalement s’effondrer dans un fracas de poussière.

Glissant l'argent à son chauffeur, lui soufflant qu'il pouvait garder la monnaie, elle entra dans le restaurant, s’émerveillant sur la vue. La nuit tombait sur New York et la ville qui ne dort jamais s'éveillait seulement. L’effervescence des hommes ne s'arrêtait jamais, grouillant avec la vitesse des rats, s'entredéchirant pour un peu de pouvoir. La jeune femme passa une main discrète sur sa nuque, s'attardant dans le satin de ses cheveux. Depuis combien de temps elle n'avait sentit le souffle de son mari sur sa peau. Elle ne supportait plus qu'il la touche et lorsqu'il le faisait, elle n'éprouvait plus rien. Terminée la beauté et l'insouciance de l'adolescence. Le problème venait uniquement d'elle. Pourtant elle était là, à accorder ce rendez vous à ce si bel avocat. Métier de démon qui allait à la perfection à ce Mammon réincarné. Pourquoi était-elle vraiment là ? Parce qu'elle tenait toujours parole n'était qu'une excuse. Elle avait eu envie de venir, de découvrir cet homme étrange qui défendait avec la même rage les assassins et les victimes et qui l'avait ridiculisée la veille.

Sur ses escarpins Louboutin, Selena cherchait la table et un serveur vient la chercher, lui demandant si elle avait une réservation. " J'ai rendez vous avec Mr Mayne. Selena Torgil. " Il acquiesça et la mena jusqu'à une table parfaitement placée, avec vue sur l'immense baie vitrée qui lui faisait de l'oeil. Gregory était là, parfait dans son costard et la jeune femme prit une profonde inspiration avant de faire naitre sur ses lèvres maquillées un sourire. La soirée pouvait commencer.

3 Décembre 2030

Il s'attendait à ce qu'elle ne vienne pas. Il le savait, ce n'était pas le genre de femme qu'on obtient aussi facilement, honnêteté ou non. Il soupira, et observa les gens qui se promenaient dans Central Park plusieurs dizaines de mètres plus bas avec lassitude. Mais sa déception ne dura pas. Le maître d'hôtel s'approcha de la table suivi de la belle brune, particulièrement superbe dans sa robe bleu uni, et il se leva pour l'accueillir comme il se doit. Il tira sa chaise en arrière pour lui permettre de s'installer, et se réinstalla sans un mot en face d'elle. Oh oui, elle était réellement très jolie, bien plus belle que les autres. Encore plus belle que son ex femme, et pourtant ce n'était pas facile.

Le garçon amena les menus, et s'en alla sans un bruit, discret et invisibles comme seuls savaient l'être les serveurs des grands restaurants. Il ne regarda plus les passants de Central Park. Il s'empêcha de la dévisager, et posa l'iris pourpre près de sa petite main. J'espère que vous ne vous sentirez pas froissée de mon invitation. Je suis surpris que vous soyez libre un samedi soir, cela dit. Il ne sous entendait pas lourdement le fond de sa pensée, toujours était qu'il était sincèrement surpris. Une femme mariée était rarement disponible en plein week end, c'était un peu le moment de la semaine pour se voir, quand le travail se calmait. Son couple allait il bien ? il réprima habilement un petit sourire, et décida que ce serait à découvrir dans la soirée. Il suffisait d'être gentil, attentionné, concerné et désintéressé en même temps, un mélange bien équilibré, et sa langue se délierait vite. Surtout si le champagne décidait de l'aider un petit peu.

La bouteille arriva en même temps que ses réflexions, il remercia le maître et reposa son menu sans brusquerie. Oh, il en avait eu du temps pour apprendre à être parfaitement irréprochable dans les grands maisons. Rose n'était pas personne, et sa famille aurait très mal vu qu'il soit grossier dans des endroits pareils. Même les enfants se tenaient comme des -mais bref. Ses enfants. La seule instance qu'il eu jamais perdu. Et celle qu'il voulait le moins perdre. Mais ses sentiments personnels l'avaient fait perdre son contrôle, et ils les avait perdus. Quatre jours du mois, vraiment ! Il se ressaisi vivement, et sourit à la brune en face de lui. Elle, il l'aurait. Et s'il l'avait, il ne ferait pas les conneries qu'il avait faites avec Rose.

3 Décembre 2030

Elle s'assit sur cette chaise qu'il lui avait tendu, parfait jusqu'au bout des ongles. Selena connaissait les hommes de la sorte, si beau, si charmant, si parfait jusqu'à ce que tout explose et que le premier coup parte. Aèl se comportait-il ainsi avec sa princesse. Pourquoi penser à lui. Elle avait sut tirer un croix sur son passé et pourtant alors qu'elle offrait un sourire au brun, elle vit dans son regard d'azur quelque chose qu'elle ne croyait ne plus jamais voir. Gregory lui ressemblait étrangement. Comme cet homme qui avait été son démon pendant si longtemps, Gregory savait manier les mots et son visage, savait être parfait quelque soit la situation, sans jamais perdre un seul instant le contrôle de ses nerfs. Il était peut-être même pire qu'Aèl. Pourtant, elle s'en fichait. Elle ne voulait pas pensé au passé, à son fils qui devait venir d’atterrir. Selena sentit son téléphone vibrer dans sa pochette, surement son mari qui lui disait qu'il avait bien récupéré Jace. Elle n'avait même pas envie de lui répondre.

Par contre, comme il avait pu savoir pour la fleur. Son regard s'illumina l'espace de quelques secondes avant qu'elle ne laisse qu'un simple sourire sur ses lèvres. Pas tout ce soir. " J'avais trop de travail pour rentrer dans le Montana ce week-end mais assez pour me permettre d'attiser ma curiosité. Votre invitation m'a surprise. Mais, comment avez vous sut que c'était ma fleur préférée ? "

Elle n'avait pas dut tout eux cette idée comme pari mais c'était plutôt drôle alors elle avait accepté. Si Dingaan l'avait sut, il aurait peut-être été jaloux. Ou alors il n'en aurait rien eu à faire, comment toujours. Ses petits défaut lui sautaient maintenant aux yeux, détruisant tout les bons moments en les faisant paraitre bien fade face à tout ce qu'elle avait laissé passé. Il n'avait finalement jamais été jaloux. Même Aèl l'était alors qu'ils n'étaient plus ensemble. Même Mathieu, alors qu'elle n'était rien d'autre que sa meilleure amie et qu'entre eux, rien n'avait jamais été plus clair. Elle sourit, passant sa main dans ses cheveux ondulés, les replaçant à droite mais ils reprirent immédiatement leur allure rebelle. Ses cheveux ne lui avaient jamais obéit et ils n'allaient certainement pas le faire aujourd'hui.

Selena prit la carte avec douceur, habituée qu'elle était. Ses prunelles parcourant le menu, elle tomba avec délice sur les menus végétariens. Regardant Gregory, elle lui déclara avec un sourire franc : " Je dois avoué n'avoir jamais mangé ici, ce restaurant est magnifique. " Et pour être magnifique, il l'était réellement. Tout comme les prix. Mais lorsque l'on a devant soit la réincarnation de Mammon, on peut se permettre de siroter du champagne en mangeant des truffes. Pourquoi pas. Elle devait se laisser arrêter, arrêter avec ce contrôle presque obsessionnel qu'elle avait sur elle même. Se laisser aller à la douceur des bulles pour cette nuit. Garder simplement à l'esprit cette alliance qui brillait à son doigt.

3 Décembre 2030

Il détaillait encore sa silhouette tandis qu'elle s'installait. Il ne demanda pas pourquoi elle ne sortait pas son téléphone portable, et leva son verre vers elle avant de boire. Le champagne était parfait. Il aimait cet endroit, cette paix et cette vue sur la ville, qui donnait un peu l'impression d'avoir un certain pouvoir sur le reste du monde qui déambulait en bas, dans les rues sombres de la ville de New York. C'était une cité cruelle où il fallait plus que tout savoir se battre, et on l'apprenait vite, souvent à ses propres dépends. Il savait qu'il n'aurait pas du suivre sa femme quand elle avait déclaré qu'ils se devaient de partir pour la pomme, mais il n'avait pas discuté. Il n'avait pas son mot dire vu son comportement vis à vis de Rose. Il ne se rendait compte que maintenant qu'elle savait sans doute déjà, et qu'elle espérait que dans le rythme effréné de New York il se reprendrait. Mais non. Il eut un petit sourire triste et le transforma en un autre plus avenant et modeste pour la brune en face de lui.

Il se demandait bien ce que son mari pouvait faire comme métier, pour que ça puisse mettre de côté une femme telle que la belle hispanique. Jolie, élégante, intelligente et avec ce qu'il fallait de poigne et de caractère, on en trouvait pas partout. Prenez Rose, c'était une parfaite idiote. Je ne savais pas, c'est simplement que je trouvais cette couleur originale, et puis je pense aussi que les roses font trop rendez vous, vous savez, un peu trop galant. Vous êtes mariée après tout. Il repris une gorgée de champagne, et accueilli poliment l'arrivée du garçon pour prendre le commandes. Il laissa la jeune avocate commander avant lui, puis suivi et le garçon disparu avec une discrète révérence. Il regarda la marque de son alliance, là où elle avait été pendant de nombreuses années, et fit une petite moue. On ne se marie pas à dix neuf ans, c'était bien idiot, mais cette imbécile de Rose était enceinte pour cause 'd'oubli' de pilule et refusait d'avorter. Il avait fallu plier aux Thompson... Stupides bourgeois de naissance.

Dehors, la nuit faisait vibrer New York. Il voyait des groupuscules de jeunes dans le parc, un homme qui promenait son chien en marchant doucement, sûrement âgé. Les taxis allaient et venaient un peu partout, et les voitures de police se cachaient çà et là en traque de petits dealers. C'était ainsi qu'était la Big Apple. Ainsi donc, le Montana ? C'est là que vous avez votre foyer familial où rentrer ? Et bien dîtes moi, il sirota un peu plus de son champagne et lui adressa un regard compatissant. ce doit être profondément déprimant... Il le pensait, d'ailleurs. Il aimait l'agitation des villes, l'argent qui y grouillait et les embrouilles par centaines de milliers des citoyens. Qui pouvait bien aimer la montagne plus que la civilisation, plus qu'une femme comme Selena ? Il n'allait certainement pas se gêner pour la lui prendre s'il le pouvait. Et sans remords. Un tel idiot...

3 Décembre 2030

Selena sourit au verre levé de l’avocat avant de porter le sien à ses lèvres. Le champagne était bon, comme elle s’y attendait alors qu’elle avait vu la bouteille arriver. Le restaurant avait une carte parfaite, un décor parfait et… un homme parfait. Elle ne devait laisser ses pensées glisser vers celui qui lui faisait face. Après tout il avait raison, elle était mariée. Mariée à un homme qui avait été ses plus belles années, qu’elle aimait encore mais dont elle avait presque peur. Dingaan l’aimait plus que personne ne l’avait jamais aimé et pourtant, même pour cela il ne la suivrait. Elle avait cédé sur leur fils qu’elle ne voulait pas, elle avait cédé sur les quelques années qu’elle avait passé dans le Montana quand Jace était encore petit. Mais c’était son rêve qu’elle voyait disparaitre à mesure qu’elle restait avec sa famille. Lorsqu’elle avait eu son accident, que la paralysie l’avait laissé dans ce lit d’hôpital qui hantait parfois ses cauchemars, comme cet immense cheval blanc, elle avait vu ses rêves s’écrouler comme la balle qui avait traversé le front de l’étalon aux jambes brisés. Jamais elle ne serait cavalière professionnelle et son corps n’accepterait jamais plus de tenir sur un cheval des heures durant. Elle s’était juré qu’elle travaillerait dur. Qu’elle deviendrait magistrale. Elle n’en était plus si loin. Son fils était arrivé comme une fleur et pourtant elle savait qu’elle pouvait le faire. Ses professeurs lui avaient dit. Elle avait travaillé tellement dur. Dingaan ne pouvait lui enlever ça. Il n’en avait pas le droit. Alors des centaines de kilomètres les séparaient. Et leur amour partait en fumée.

Selena offrit un sourire à l’avocat comme toute réponse. Il avait raison et maintenant il savait qu’elle était ses fleurs préférées. Elle regarda la carte une dernière fois et lorsque le serveur se présenta, elle demanda clairement un Rôti de Seitan Farci aux Fruits Secs. Repas végétarien par excellence. C’était bien l’une des rares choses qu’elle avait aujourd’hui en commun avec son époux. Ca, la date de leur mariage et leur enfant. Elle était si heureuse quand elle lui avait dit oui, quand il s’était mis à genoux devant elle. Comment elle en était arrivée là, si loin de l’état euphorique des débuts. Comment avait-elle pu en arriver à laisser un homme comme Gregory Mayne l’inviter ? Celui contre qui son meilleur ami l’avait mis en garde sous les conseils avisés de Tarek. Elle s’était pourtant laissé tenter, malgré la marque de l’alliance, malgré sa réputation de Don Juan. Mathieu l’avait traité d’idiote et elle savait l’être. Mais l’avocat ne la séduirait pas. Enfin, elle espérait qu’il n’y parviendrait pas.

Elle écouta ses paroles en sirotant sa flute de champagne. L’éclat glacial sur ses lèvres la prévenait immédiatement. Cristal. Elle n’était pas n’importe où et jamais Dingaan ne l’aurait amené dans tel restaurant. Il préférait dépenser son argent pour ses chevaux qu’elle avait doucement apprit à haïr. Ils lui avaient tout pris. Ils lui avaient pris sa vie. Selena n’était pas particulièrement attirée par l’argent mais elle n’en avait jamais manqué, son père diplomate et sa mère professeur avait toujours sut subvenir à ses demandes. L’espagnol sur qui elle avait eu son accident était son cheval. Mais elle avait choisi Dingaan, malgré la différence flagrante de milieu. Il vivait avec ses bêtes dans le Montana, rancheriot pendant qu’elle brillait dans les cérémonies aux côtés des Alaric et autre Thompson. Ils avaient voulu briller les classes. Briser les « on dit ». Et maintenant, ils en payaient le prix. " Vous n’imaginez même pas à quel point le Montana est… barbant face à l’agitation de la ville. Il n’y a rien si on oublie les chevaux et les vaches. Mon époux est rancheriot et il doit s’occuper de ses bêtes. Mais je ne supporte pas de rester assise sans rien faire. Je ne pouvais clairement pas rester en bonne femme au foyer qui attend après avoir fait à manger. " Selena était honnête. Elle ne se disait pas malheureuse, non. Et pourtant, c’était bel et bien le cas. Dingaan ne lui manquait même plus avec le temps. Elle n’était même plus jalouse de savoir qu’il passait ses journées avec les employées pendant qu’elle était à New York.

3 Décembre 2030

Il notait par petites touches, dans sa tête, sans en avoir l'air. Ses fleurs favorites, une chance que le hasard ait fait qu'il avait lui aussi une faiblesse pour celles ci. Il remarqua à sa commande que c'était un plat végétarien, et l'information s'inscrivit en petites lettres rouges dans l'ordinateur de son cerveau posé. Cette femme il l'aurait, il se l'était juré des qu'il l'avait vue et il ne lâcherait pas le morceau. Il avait déjà eu à faire à plus coriace qu'elle, et il ne perdait pas. Il était en séduction ce qu'il était à la barre, et c'était ce qui le faisait avancer, cet espèce de rage sourde et aveugle dont il ne comprenait pas l'origine. Il savait seulement que face à Rose et son 'clan', il la perdait. Peut être était cette impuissance à s'opposer à elle qui nourrissait sa rage, et peut être pas. Il s'en fichait là tout de suite.

Son doux sourire compatissant et moqueur planait sur ses lèvres, et il retint son rire. Elle serait à lui. Si son adversaire n'allumait plus cette petite étincelle qu'ont les yeux d'une femme qui mentionne celui qu'elle aime, il avait déjà perdu. Ses bêtes ! Plutôt que cette brune resplendissante ! Elle devait avoir épousé un vrai simplet, ce n'était pas possible autrement. Je vois. Vous avez bien du courage, j'ai personnellement beaucoup regretté d'avoir accepté de vivre ici selon les voeux de mon ex femme. J'ai fait pas mal d'erreurs, mais pas plus qu'elle. Vous savez, elle est la seule personne à m'avoir défait au tribunal... Il ne parvint pas à dissimuler la pointe de tristesse dans son timbre de voix. Rose avait prit la maison, la voiture, le chien, les enfants. Emmett avait fêté ses dix neuf ans, déjà, et à des centaines de kilomètres de lui. Leannah avait déjà seize ans, et Victor quatorze... Le temps avait filé à une vitesse fulgurante, et ses enfants étaient le miroir de toutes ces années de doutes, de disputes, de souffrance muette. Il n'arrivait pas à pardonner à Rose, même s'il aimait ses enfants.

Vous voyez Selena -je peux vous appeler ainsi ? Si j'avais quelqu'un comme vous à mon bras il y a longtemps que mon temps serais consacré à vos moindres demandes. Je ne connais pas votre mari et en somme se dévouer à son travail est très respectable, mais n'a-t-il pas peur de vous perdre ? Ce n'était même pas méchant, de la simple curiosité. Si Rose avait été comme cette brunette là, peut être n'aurait il pas été blessé d'être enchaîné à elle par la force. Il avait su par les jumeaux bâtards de la tante de sa femme, bien plus tard, comment elle s'y était prise. Il avait toujours su qu'elle n'avait pas oublié sa pilule, ils n'avaient passé qu'une nuit ensembles ! Non, elle s'était servie de sa médecin de tante pour intensifier sa fertilité, et c'était lui qu'elle voulait. Oh ça il le savait, c'était une vraie groupie ! Et elle lui avait fait ça, pour le lier à elle sous prétexte d'honneur familial... Il ne l'avait jamais aimée. Jamais. Alors que cette femme là, peut être pourrait elle le séduire tout comme il voulait la séduire. C'était un jeu de chasseur chassé. Mais le jeu en valait la chandelle.

3 Décembre 2030

Intéressant. La seule à l’avoir défait, pour le coup de sa carrière. Mais Gregory pouvait parler, Selena savait déjà ce qu’il s’était passé. Elle savait le douloureux nom qu’il avait porté. La brune ne détestait pas les Thompson, certainement pas, Tarek était son ami. Mais elle connaissait Rose pour avoir été présente à une réunion de Fondateur. Cette peste était comme son frère. Jimmy avait voulu la séduire, travaillant encore et encore jusqu’à finalement la droguer pour la mettre dans son  lit. Mathieu ne le savait et ne le saurait jamais. Parce qu’il aurait pu tuer le Thompson pour avoir fait ça. Mais Selena avait laissé couler, essayant de ne pas se rappeler tout ce qu'avait fait Jimmy avant d'en venir à ce point. Il avait essayer l'alcool, l'amitié de Mathieu, passer par Aèl (qui avait refusé net, connard oui, mais il ne partageait pas ses proies) et puis finalement il avait été le plus dangereux des amants. Selena avait tatoué son corps pour se souvenir qu'il lui appartenait et jamais elle ne regretterait le papillon qui s'ouvrait sur sa cheville, aussi discret qu'une fleur muette.

Elle porta une nouvelle fois le champagne à ses lèvres, avant de planter son regard dans celui de son interlocuteur, comme toujours un rien trop dur. Elle était devenue une femme et ce n'était plus la jeune fille que les beaux yeux d'Aèl avaient réussit à faire flancher. " Je crois qu'il s'en fiche. Ses chevaux sont plus importants mais se fut toujours le cas. Simplement, maintenant, je vois un peu plus clair. " Et je ne suis plus amoureuse... Mais elle ne voulait le dire à haute voix, le prouver réellement car ce serait rendre cette absence de sentiment tangible. Elle ne comprenait pourquoi elle se laisser aller à la confidence avec cet homme qu'elle détestait. Il était tout ce qu'elle haïssait et pourtant, Selena lui confiait ses doutes.

Finalement, Dingaan ne l'avait jamais totalement possédé. Il était bien trop mou pour le caractère flamboyant de l'hispanique. Pas assez jaloux, pas assez sanguin. La seule fois où elle l'avait réellement aimé, qu'elle s'était rendu contre de ses sentiments c'était lorsqu'elle l'avait surprit dans le lit de cette fille. Aujourd'hui, qu'est ce qu'elle dirait ? Même elle ne savait si elle hurlerait ou si elle partirait tout simplement, sans un mot, demandant juste le divorce, lui laissant Jace, la vie qu'il menait et tout ce qu'il désirait. Elle ne voulait plus se battre. Simplement se perdre de nouveau dans les prunelles qui lui faisaient face.

3 Décembre 2030

Il haussa un sourcil surieux avec une flegme presque étudiée, et retint un souffle peu respectueux. Oh pas qu'il se moquât d'elle non, mais de son mari. Si jeune, et pourtant déjà lassé d'une si belle et intelligente jeune femme... C'était déprimant. Lui, avec déjà sept ans de plus que cette génération -bon c'était vrai, le cow-boy n'avait pas tant d'années de moins que lui mais lui, il avait des enfants déjà en fin d'adolescence et il en savait donc un peu plus que ce zigoto qui faisait joujou avec ses poneys et son fils de dix ans. Ah, dix ans... Ses enfants étaient encore paisible, à cet âge là. Et il avait encore un peu de courage face à Rose. Il releva à nouveau son sourcil dubitatif, et jeta aux orties ce pauvre homme qui trimait nuit et jour pour le simple plaisir d'être un inculte et un incapable. Comment pouvait on décemment se lasser de Selena Torgil ? Et d'ailleurs, de Selena Oldigez ? Puisqu'il était bien flagrant qu'elle n'aimait plus son mari... Elle n'avait pas la pointe de tristesse qui va avec la déclaration qu'elle venait de faire. Il avait déjà géré des divorces, et il savait à quoi ressemblait quelqu'un qui est encore amoureux de son conjoint. Elle ne l'était pas.

Il reprit un peu de champagne, et envoya un grand sourire aux serveurs qui amenaient les plats. Rien de mieux que de discuter autour d'un bon breuvage et dîner digne de ce nom. Il venait de classes moyennes, élevé par une mère commerçante et un père employé d bureau, entre économies de vacances modestes et petits plaisirs exceptionnels. Il avait certes prit goût au luxe que sa femme et son métier lui avaient peu à peu apportés, puis était retombé à la case départ. Il n'était pas riche, mais il n'était pas non plus pauvre et certaines femmes -celle ci particulièrement- méritaient toute la classe des grandes dames. Selena était encore un peu au dessus de ces femmes là. Alors pourquoi se priver ? Elle savait sans doute qu'il n'était pas aussi aisé que les gens autour d'eux, mais ainsi apprécierait elle peut être plus l'attention.

Il piqua son canard laqué, et sourit gentiment à la jeune femme, zyeutant discrètement son téléphone qui venait de s'allumer au nom de son fils et enregistra qu'il devrait répondre. Il raccrocha et envoya un message d'excuse à Emmett en s'excusant aussi auprès de la jeune femme, et reposa l'appareil alors que le nom de Leannah s'inscrivait à son tour sur l'écran rouge et vert. Pas de panique Greg, pas de panqiue c'était probablement rien... "Je vois... Et bien, je ne sais pas pourquoi mais vous ne m'avez pas l'air très heureuse Selena. Il me semblait pourtant vous avoir apreçue avec un petit garçon, ne vous apporte-t-il aucun réconfort ?" Ses yeux bleus se plantèrent dans leurs oposés, et il scruta leur lueur. Pour lui, Emmett, Leannah et Victor signifaient Le Monde. Le monde dans sa totalité, son monde. Il ne pouvait concevoir qu'on n'aime pas ses propres enfants, ou du moins qu'ils soient autre chose que le centre d'une vie. Aussi il posait il question de façon presque innocente, par pur naïveté de père. Il ne pouvait pas pardonner à Rose de les lui avoir pris aussi, et son coeur rétrécit dans sa poitrine alors que le téléphone s'allumait à nouveau au nom de son fils. Qu'est-ce qu'ils avaient au juste ?

3 Décembre 2030

Selena porta à ses lèvres le repas qui venait d'arriver avant d'abandonner le champagne pour un vin accompagnant bien plus facilement la nourriture. Les grands restaurants, même américains, étaient restés aux mœurs de leurs homologues français. Vin, grand nom de plat et carte en français s'il vous plait. Voilà bien longtemps qu'elle maitrisait aussi bien la langue de Molière que celle de Shakespeare mais elle ne pouvait empêcher son coeur de se serrer. Le français lui rappelait tellement de souvenir. Depuis combien de temps n'avait-elle pas vu son meilleur ami, son adorable femme et leur quatre enfants aussi blonds aux yeux bleus que leur parents ? Elle ne pouvait même pas mettre de date. Depuis qu'elle vivait à NYC, elle ne voyait plus le temps filer. Jace avait déjà 10 ans...

Elle leva le visage vers le brun lorsque ce dernier répondit au téléphone et lui accorda un petit sourire discret. Cachant son étonnement face à sa question, son regard s’éteint totalement. Son fils la haïssait plus que personne alors à quoi bon se mentir. Mais elle voulait conserver les apparences, ne rien laisser paraitre. Il était son fils et elle devait l'aimer comme une bonne mère. Pourtant elle n'y parvenait. Qu'elle aurait voulu pouvoir reconstruire sa vie et ne plus voir cet enfant qui aurait dut sauver leur mariage. Il n'en était rien, il n'était que la preuve qu'un jour elle avait aimé Dingaan. Elle aurait voulu faire marche arrière, revivre le bonheur du départ d'Aèl, quand ils s'étaient retrouvés tous les deux et que plus rien ne pouvait changer. Mais c'était trop tard. Ils avaient chacun suivit leur chemin, marchant sur des lieux différents, s'éloignant un peu plus à chaque instant. S'ils venaient à rompre... Elle lui laisserait tout. Elle ne voulait pas se battre. Jace était bien plus heureux avec son père qu'il ne le serait jamais avec sa mère. Selena voulait le meilleur pour lui mais il préférait les chevaux, victime de la même fièvre que son père.

" Vous devriez répondre vous savez. C'est peu-être important. "

Ce téléphone lui sauvait la vie. Après tout, il ne pouvait la comprendre. Avoir des enfants devraient être la plus belle chose du monde et lorsque Jace était né, Selena s'était sentie heureuse. Elle l'avait porté pendant neuf mois et elle ne pouvait le haïr. Il était la chair de sa chair, son bébé. Mais il la détestait plus que personne ne l'avait jamais détesté. Les deux plus beaux moments de sa vie partaient en fumée. Son mariage, ce bonheur quand elle avait vu les yeux lagons qui l'attendaient, empli d'amour sur cet autel. Et puis ce bébé qui levait vers elle des yeux pleins d'amour. C'était trop tard. Un simple souvenir...

3 Décembre 2030

Un petit sourire crispé répondit à la brune, et  Gregory nota avec gêne le léger froid installé par sa dernière demande. Il prit son téléphone dans son sac l'air de n'en avoir pas grand chose à faire, et fit glisser le motif vert pour décrocher. Il s'attendait à un problème, une demande d'argent, ou bien encore la voix de Rose qui se servait bien souvent de cette astuce pour qu'il lui réponde au téléphone. Si la jeune femme avait demandé le divorce et prit la garde des enfants, elle n'avait rien contre une relation purement sexuelle dans le dos de sa famille austère et codée. Lui, il voulait profiter de sa nouvelle liberté. Deux ans, déjà, qu'il vivait son adolescence en retard. Cependant ce soir là, la raison de l'appel de ses enfants étaient toute autre. Trois voix lui lancèrent un joyeux ' bon anniversaire !!' dans le combiné, et il l'éloigna en levant un sourcil surpris. Anniversaire ?

Par réflexe, il regarda son écran et vérifia la date. Le 3. Ah... Et bien oui. Ils avaient raison, c'était bien son anniversaire. Son sourire s'effaça pour une expression de léger choc et de surprise. Emmett demanda avec enjouement où il était et ce qu'il faisait,  et il s'entendit répondre qu'il dînait au restaurant avec une collègue dans un état second. Comment avait il pu oublier son propre anniversaire ? Il n'oubliait jamais ceux des enfants. Le sien, il n'y accordait pas grande importance mais au point de l'oublier complètement ? C'était bien la première fois. Il soupira, répondit à ses enfants avec un entrain feint, et leur souhaita une bonne nuit quand ils raccrochèrent. Il sourit à la brunette, et s'excusa de l'interruption. Son anniversaire...

Il recommença à manger, et tenta de se couper de ses réfléxions. Personne d'autre ne l'avait appelé pour son anniversaire. N'avait il que ses enfants dans sa vie ? Sans doute. Son travail lui prenait beaucoup de temps, et les aventures qu'il avait enchaînées n'étaient pas proches de lui. C'était bien sa veine. Il se retrouvait seul avec ses enfants, eux mêmes loins de lui... Oui, les enfants étaient sa mine d'or. Mais elle ? "Vous m'avez l'air bien gênée. Je suppose que ça ne se passe pas bien avec votre fils non plus ?" Sa voix timide résonnait un peu. Cette pauvre Selena... Etait elle aussi seule que lui ?

3 Décembre 2030

Elle entendit clairement les voeux des enfants de l'avocat et, surprise, elle osa un sourcil. Il n'était peut-être finalement pas si... Selena fit taire ses pensées avant même qu'elles n'éclosent, refusant de se sentir un tant soit peu attirée par l'homme qui lui faisait face. Refusant de se perdre une nouvelle fois dans des prunelles au bleu éclatant, de rompre les voeux qu'elle avait prononcé devant ce prêtre qui les avait bénit pour toujours. Elle reprit une gorgée de son verre, refusant de se souvenir de l'amour qui avait été le sien avant qu'il ne s’effiloche comme les brides du temps. Mais les promenades au clair de lune, les sourires, les rires revienrent avec plus de beauté, s'attachant à son esprit et refusant de partir. Les chevaux lui avaient tout prit. Son époux, son fils, sa vie en elle-même. Écrasés petit à petit ce qu'elle avait chéri, envoyés voler ses promesses. Elle les haïssait, plus encore qu'elle n'avait jamais rien haït.

Mais elle tenta de reprendre le fil de la discussion et son visage habituellement si contrôler se glaça à la question qu'elle avait cherchée à éviter quelques minutes plus tôt. L'avocate avait normalement la maitrise totale de ses muscles faciaux, se qui lui conférait son statut d'avocate particulièrement douée. Elle le regarda l'espace de quelques secondes, se demandant pourquoi elle déballait sa vie de la sorte à un homme dont elle détestait chaque agissements et chaque plaidoiries.

" Jace est un amour mais... Il se comporte exactement comme son père avant lui, il me déteste je pense. Je crois. Enfin je ne sais pas vraiment. Il est comme son père, amoureux de la nature et des chevaux. Ils ne vivent pas dans les mêmes passions que moi. Et puis il m'en veut. Il m'en veut de n'être jamais là, de ne plus aimer son père, de.... " Ses prunelles chocolats s'écarquillèrent avant qu'elle ne bafouille en reprenant ses paroles. " Je... Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, j'aime mon mari, je... " Essayer de soit même se convaincre d'un mensonge pouvait être drole pour n'importe qui mais pas pour la brune. Elle savait totalement qu'elle ne ressentait plus rien mais mettre des mots sur ses sentiments les rendaient si réels. Et Selena refusait de se rendre contre qu'il n'y avait plus rien d'autre qu'un ancien attachement à Dingaan et elle. Que les souvenirs du temps passé, des moments qu'ils avaient vécu. Rien ne changerait jamais. Ils n'avaient finalement pas réussit à rompre cette barrière entre eux deux qu'avait créée la différence entre leur monde. Jace, loin d'être la bénédiction qu'elle avait cru, avait creusé l'ecart entre eux, mettant en évidence, comme surligné, tout les défauts de son époux. Le manque d’ambition, le manque de culture, le manque d'envie. Seul comptait ses chevaux. Il ne parlait de rien d'autre. Jamais. Tel cheval, tel pré, tel dresseur. La terre pouvait bien exploser qu'il ne s'en serait pas rendu contre. Pas d'idées, rien. Rien d'autre que les néants. Et ses défauts qui s'inscrivaient en lettre de feu sur le visage de leur fils.