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 Cause life only leads to death

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Aèl J. Targison
Aèl J. Targison
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MessageSujet: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeMar 2 Déc - 17:42

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17 Janvier 2001

Je posai mes fesses sur un gros rocher. L'océan étendait son ombre immense sur l'horizon, et je me penchai pour examiner la plaie qui déformait mon genou. Le sable aggloméré dans le sang qui coulait donnait à la blessure un air peu engageant. J'avais mal, et ma course folle avait allumé un feu dans mes os. La voix de mon père éclata sur la plage, et mes jambes me propulsèrent en avant. Je ne regardai pas en arrière, et fonçai vers la fin de la bande de sable. Père hurlait au loin, mais je ne fis pas demi tour. L'eau commença à claquer mes jambes, le sel à cautériser mes plaies rouges. Maman cria. Je laissai la jambe qui me portait quitter le sol, et l'eau glacée m'avala brusquement. J'ouvris mes yeux bleus, et un sourire se dessina sur mes lèvres. Le tunnel s'ouvrait sous la mer, et je m'engouffrai dans le courant sans hésiter. L'eau me ballotta sous les roches, et l'océan recracha mon petit corps métissé de l'autre côté. Je sortis la tête de l'eau en inspirant de toutes mes forces.

J'escaladai la falaise en deux temps, vif comme les chamois que j'effrayait parfois, et appelai mes parents d'en haut. Maman me supplia de descendre, et mon père se mit à me jurer qu'il m'étranglerait quand je descendrais. Mon rire d'enfant ricocha contre les parois rocheuses, et je criai que c'était pour cette raison que je ne descendrais plus jamais. Mais personne ne peut rester tout en haut d'une chaîne rocheuse pour toujours. Aussi il fallu se résigner à rentrer à la maison. La nuit avait assombri le monde depuis plusieurs heures quand j'ouvris le portillon de la cour. Maman se précipita sur moi pour me sécher, mais son mari fut plus rapide. Il envoya valser sa femme dans la porte, et sa main ferme saisi mon col. "J'ai pas peur de toi père !" La gifle résonna sous le porche. Je sentis mon épaule craquer, criai, et mes ongles s'enfoncèrent dans la peau de mon géniteur pour m'en défaire. J'heurtai le sol, et reculai vivement, sanglotant, cherchant l'appui de ma mère qui ne faisait rien. Je ne comprenais pas. Je n'avais rien fait de si grave, et pourtant les coups pleuvaient. En boule dans l'angle du hall d'entrée, j'attendais seulement qu'il s'arrête. Je ne pouvais rien faire. Et il ne fallait pas réveiller Artie.

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Dernière édition par Aèl J. Targison le Jeu 4 Déc - 16:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeMar 2 Déc - 21:50

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9 Juin 2001

Je m'assieds au dernier rang, pour la millième fois de l'année. La millième et trois fois. Je compte quand je m'assois sur cette chaise. Je ne m'assois jamais ailleurs. Je l'aime bien, c'est ma chaise. La maîtresse me lance un regard réprobateur, mais ne dit rien. Elle est bien trop honteuse d'être une lâche pour me gronder. Tout ça parce qu'elle dit jamais rien, je suis certain qu'elle aussi, mon père la voit. Mon père voit toutes les femmes d'ici. Au premier rang, Artie renifle. Un plus grand lui a piqué sa barre de chocolat. Je ricane. Bien fait pour M Parfait.

Mrs Trence essaie de me faire comprendre des calculs. Ça ne rentre pas. Devant, Artie murmure que notre père dit que je suis lent de la tête. Je bondis hors de ma chaise, et cours saisir mon grand frère à  la gorge, fou de colère envers lui et sa stupide intelligence ! La maîtresse m'attrape par mon col roulé pour me séparer du petit blond, et je me fige en l'air comme un petit chat. Ça va barder.

"..et en plus oser lever la main sur Arthur ! Oser.." Le palabre de mon père se perd dans le cri qui déchiquette mes cordes vocale en réponse au énième coup de ceinture qui cingle mon dos. Blotti dans un coin, Artie me jette un regard désolé plein de remords. Je ne dis rien, et mords la laine de mon pull. Il finit toujours par se lasser.

*

L'océan roule férocement au bord de la plage. Le menton dans la main, je regarde patiemment ses vagues se fracasser à mes pieds, teintées de reflets argentés. La lune est toute distordue à la surface de l'eau. Triturant les pans de mon vieux tee shirt trop large, je m'occupe à compter les étoiles. "Aèl ? Ça ne va pas mon chéri ?" Mes épaules sursautent. Je me tourne sans conviction, et les yeux bleus de ma mère rencontrent leurs symétriques. Elle passe ses bras autour de mes épaules, et chuchote que j'ai raison de venir ici, que l'océan emporte toujours nos peines. "LAISSES MOI ! C'EST PAS LE RÔLE DE L’OCÉAN DE ME CONSOLER, C'EST LE TIENS !! ET MON PÈRE IL DEVRAIT PAS ME TAPER DESSUS, LES AUTRES ENFANTS ILS SE FONT PAS TAPER A LA MAISON ! JE TE DÉTESTE T'ES FAIBLE !" Je m'arrache à ses bras, et m'enfuis vers ma chambre, en haut du sentier rocheux. C'est la vérité. L'océan m'apaise. Mais ce n'est pas à lui de le faire, et je ne devrais pas avoir à être consolé si souvent. Les autres, leurs papas les aime. Moi, je n'ai pas le droit de l'appeler 'papa'.

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Dernière édition par Aèl J. Targison le Lun 22 Déc - 1:42, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeMar 2 Déc - 23:31

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21 Mars 2002

Ecrase, le nain ! Sors du passage ! Artie heurte mon épaule, et je le repousse vivement dans les bras de ceux qui l'ont bousculé. Il me regarde avec peine et baisse la tête. Sur mon visage, les doigts de mon père ont dessiné de longues marques bleues. Sous le tee shirt trop petit que je porte, sous mon short, les marques sont bien visibles. Les bandages qui pansent les coups de fouet suintent. Je croise le regard de la maîtresse qui détourne le regard, et un bouffée de haine s'empare de moi sans prévenir. A la pause, je pose des punaises sur ses cahiers. De retour de la récré, comme toujours, après nous avoir fait asseoir, elle croise ses bras potelés et les dépose sur le bureau. Son petit cri blessé fait bondir la classe, et je ricane méchamment sur ma chaise. Aèl ! Ce que tu viens de me faire est très méchant ! -Non ! C'est justice maîtresse, et puis vous savez les marques, ça part ! Si on ne vous en refait pas ça disparaît ! Ses lèvres tressautent, et elle quitte la salle pour aller se soigner. Jack n'aura jamais vent de l'incident. Mais Mrs Trence ne fait rien.

Le vent a balayé les côtes toute la nuit. Ma chambre est glacée, mon souffle cristallisé sur mes lèvres. Mon père appelle en bas, et me fourre la poêle et les œufs dans les mains. L'un des œufs s'échappe, et éclate sur le plancher. Son corps se fige, et je pose tout sur le plan de travail, forçant sur mes pieds pour l'atteindre. Je bafouille des excuses, croise mes bras devant moi et proteste. Ma mère s'avance pour me défendre, et le poing de mon père marque sa joue. Je bondis entre les jambes du géant, et ouvre la porte à la volée, sans prendre mes chaussures. Les cailloux entament mes pieds immédiatement, et je bondis par dessus le sentier, vers la plage. Une balle de fusil fait éclater un rocher non lopin de moi, et je dévie vers le bois. Artie choisi ce moment pour se mettre à crier. Sa voix ne s'éloigne pas, et je comprends qu'il essaie de me suivre. Vers la plage. Mais je suis sur les falaises. ARTHUR ! PAS LA PLAGE !! C'EST BIENTÔT MAREE HAUTE, ARTIE, ATTENDS ! Je cours entre les arbres, éraflant mes bras et mon visage. Des morceaux de pyjama déjà usé restent accrochés aux branches. J'aperçois mon frère aîné, et mes doigts atteignent son poignet juste à temps. Son pied glisse, et je tire un grand coup vers le haut, empêchant les vagues furieuses de l'emporter. La plage a disparu sous l'eau pleine de rage, et Artie fixe le rocher sur lequel il s'était campé, englouti par l'océan en colère. Il se tourne vers moi en formant un sourire reconnaissant, et ma paume cingle sa joue sans cérémonie. Je files hors de portée du fusil de mon père qui vient examiner nerveusement son petit chéri, et reste tapi là, toute la journée et la nuit durant, grelottant, nourri de colère. La vengeance va pas être agréable.

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeMer 3 Déc - 0:19

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3 Novembre 2002

Je repousse sa main. Depuis quelques mois, Artie tente un rapprochement. Comment peut il croire que l'on peut s'entendre ? Père l'adore, c'est son petit chouchou, son bébé, il ne lève jamais la main sur lui. Maman dit que si je n'étais pas né, la famille aurait trouvé un équilibre. Je les déteste, tous. Même Oncle Terry, il avait promit de m'emmener avec lui pêcher mais c'est Arthur qui va y aller, ce n'est pas juste, je suis meilleur marin que ce lâche ! Il ne sait même pas se défendre seul ! C'est toujours moi qui fait des bêtises et que père gronde. Les grands ne m'embêtent plus. Mais je les entends chuchoter de mes marques. Je les hais.

L'océan gronde. Le bleu s'est mué en gris, et je frissonne sur la plage. Terry fait des allers retours entre son cabanon et le petit bateau. Artie est tout surexcité, mais n'aide pas. Je charge les lourdes caisses, et Oncle Terry me sourit timidement. Ma cousine Lila me regarde faire avec intérêt, et je lui adresse un sourire fier. Ses joues deviennent rouges, et je reste un instant planté sur place, indécis. Pourquoi elle fait ça ? Aller, en route Artie ! Aèl, je te fais confiance, tu restes ici avec Tante Ana et Lila. J'acquiesce sans conviction, et pose mes mains sur la coque du bateau pour le repousser à l'eau. Arthur est extatique. Il a le don de m'exaspérer.

Un craquement me tire du sommeil en sursaut, et mes yeux s’accommodent difficilement. Il y a longtemps que Mrs Trence dit que je vois mal. L'océan roule des vagues noires et hautes, coléreuses, et mes yeux s'écarquillent. J'appelle Lila, et trouve Tante Ana au téléphone, paniquée. Terry est coincée dans les vagues. Pas loin, mais coincé. Un souffle court remonte dans ma gorge, et Lila tente d'attraper mes vêtements. Mon frère est dehors, sur un bateau, coincé par la tempête. Il ne sait pas nager, et il ne sait pas naviguer, il ne peut pas aider Terry à rentrer. Le bateau peut se retourner n'importe quand. Je détache les attaches de la vieille carne que dirigeait mon oncle il y a des années, avec lequel j'ai appris la navigation, rejette ma cousine dans le sable sans douceur, et pousse l'embarcation dans les vagues. La voile se gonfle de rafales violentes, et je me cramponne à la barre pour le garder dans l'axe. Les récifs brisent les vagues avec rage, et je chercher la silhouette du bateau de mon frère. Il ne sait pas nager. Il doit être tétanisé sur le bateau.

Enfin, le blanc et bleu du bateau se matérialise, et je vois le gilet fluo de mon oncle qui s'agite. Le petit bateau lutte contre la tempête, et je secoue mes cheveux pleins de sel. Mes yeux me font mal. Terry m'aperçois, et fait de grands signes de détresse. Il ne m'a pas reconnu. Je quitte le bateau trop ballotté, et plonge dans les rouleaux glacés. Ma main atteint le bateau des deux perdus après de durs mouvements de lutte. Le visage de mon oncle se décompose. Aèl !! Je t'avais dit de rester avec ma famille ! Tu es fou, tu aurais pu te teur ! -C'est pas l'moment Terry, Artie sait pas nager, il faut qu'on rejoigne la côte ! Si une lame le prend, il a aucune chance ! Les yeux noirs d'Artie s'agrandissent de surprise, et je saisi le phoque avec force. Le bateau s'ébranle, et Terry s'accroche à la barre. Artie se cramponne aux cordages pour se protéger des vagues. Mais Artie n'est doué en rien, même en survie personnelle.

La lame traverse le bateau, et je vois les mains de mon aîné lâcher les cordes. Il se saisi des barres de sécurité du bateau, et un rouleau nous fait basculer sur le côté. Artie lâche tout. Mon coeur s'arrête net dans ma poitrine, et je vois son gilet coloré être secoué par l'eau déchaînée. Si je lâche le phoque, le bateau se retourne. Si je ne lâche pas le phoque, Artie mourra, et l'océan, une fois calmé, ramènera sa dépouille en morceaux. La vague se calme et je lâche les cordages sans réfléchir. Terry me hurle de m'arrêter, et le choc de l'eau glacée me coupe le souffle. Je chercher à nouveau, le jaune du gilet de sauvetage, le jaune fluo. Artie flotte, le visage dans l'eau. Je me débats contre la fureur de l'océan, et sort la tête de mon crétin de frère de l'eau. Ses yeux sombres fixent le ciel en colère. Terry le tire à bord, et me confie la navigation. On n'atteindra jamais les côtes à temps, voilà mon avis. Artie saigne, et même s'il respire il est bizarre. Comme un poisson de profondeur pêché en surface, ça n'a rien de normal.

Le bateau glisse sur le sable alourdi, et les ambulances se précipitent sur nous. Je laisse Artie aux mains professionnelles, et Terry me serre contre sa poitrine. Mes jambes ont cessé de marcher, le choc et l'effort se font sentir dans mon corps entier. Arrivé à la maison, Jack frappe plus fort qu'il ne l'a jamais fait. Il dit que c'est ma faute, que c'était moi qui devait aller pêcher, que son fils n'avait rien à faire en mer avec cette tempête imminente. Je peux bien dire ce que je veux, ma tante peut bien appuyer mes dires, il n'entendra pas raison je le sais. Je ne voulais pas ce qui est arrivé. Je mords le cuir jusqu'à le sectionner, obsédé par l'image de ce corps fragile s'enfonçant sous l'eau noire...

Arthur fixe le vide. Sa nuque, brisée, est soutenue par un petit appuie tête. Le choc qui a cassé sa vertèbre ne l'a pas tué. Il ne sait plus ni parler, ni bouger, ni diriger ses yeux. Ce n'est qu'un légume, que l'eau a achevé, immiscée dans ses poumons trop longtemps. Il restera toute sa vie dans cette aile de l'hôpital de Salem, inconscient, coupé du monde, avec pour seule existence un corps. Son âme n'est plus vraiment là. Mon père, la tête posée sur ses genoux, pleure. Maman n'est pas là. Elle est allée boire quelque chose de chaud. Elle préférait Artie. Maintenant, la maison sera vraiment l'enfer. Jack relève la tête, attrape mon épaule, le mur intercepte ma tête, et tout se brouille. Je ne comprends pas ce que j'ai fais de si mal. Quoi que ce soit, ça ne mérite pas cela.

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeJeu 4 Déc - 21:06

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19 Novembre 2002

Jamie Freck me jette contre un mur, et un petit cri m'échappe alors que ma tête cogne contre un porte manteau. Le grand blond me regarde d'un air goguenard, ses copains idiots en demi cercle derrière lui. Sa règle laisse une marque rouge sur ma joue, et mon poing rencontre son front avec force. Son pote m'attrape les poignets, et je décoche un coup de pied furieux à un débile brun à lunettes. Je dégage l'un de mes poignets, et griffe Jamie au sang. Il crie, et m'envoie dans les manteaux d'un coup sec. Je m'empêtre dans les tissus, heurte le genou de son meilleur ami avec mon pied, et quand Mrs. Trence nous retrouve, l'état des garçons est aussi réussi que le mien. Elle attrape ma main en hurlant, furieuse. Je ne proteste pas. Elle ne me croira pas, et elle s'en fiche de toute façon. Elle m'assois au fond de la classe et me prive de pause pour la journée, et je lui tire férocement la langue, les bras croisés sur mon tee shirt crasseux.

La neige balaie les falaises avec rage depuis une semaine. Maladroitement emmitouflé dans ma doudoune trouée, j'affronte le blizzard de l'hiver. Le chauffeur de bus refuse que je monte, parce que mon père n'a pas pu le payer le mois dernier. Les autres se fichent de moi, mais je m'en tape. Ils ne savent pas ce que vis, ils ignorent ce que c'est que de devoir se battre pour vivre. Je dois travailler pour manger, échapper à la colère de Jack qui me bat pour rien, défier les vents furieux des falaises où se dresse ma maison branlante. Ce week-end, on a coupé l'électricité. Jack a été licencié du travail. Les temps sont durs, et il faut payer l'hospitalisation d'Artie. Heureusement que j'avais coupé trop de bois de chauffage, finalement...

La cheminée fume faiblement. Je constate que le chien est absent, et pose le pied dans la cour en retenant une hésitation. Il gît au bout de sa chaîne, une tache rouge étalée sur la neige. Ma respiration se fait un peu plus rauque, et je vais pousser la porte sans un bruit, entrant par l'arrière de la maison. Il fait moite à l'intérieur, ou alors ça vient seulement de mes mains. Une odeur métallique me prend à la gorge, et je reconnais peu à peu celle du sang. Je tire à moi la porte de la cuisine, et mon sac éclate sur le sol dans un vacarme assourdissant. Maman gît là, baignant dans son sang, la lame de son couteau à poisson enfoncée entre ses seins dénudés. Le froid qui règne dans la pièce me donne la nausée, et je sursaute au son des pas de Jack. Son visage criblé de gouttes de sang me donne des frissons, et je sens l'odeur de l'alcool sur lui. Je tente d'échapper à sa main, mais il m'attrape et me tient ferme, dénouant sa ceinture. Elle cingle mon cou et mon épaule violemment, et une douleur aiguë prend part de mes sens. Mon sang dégouline lentement sur mon haut, et les doigts de Jack agrippent mes cheveux. Je me débat, perdu et terrifié, les yeux fixés sur le corps de Maman dont les yeux bleus regardent toujours le plafond. Il me force à poser mes mains sur ses reins, et j'essaie de reculer ma tête en vain. J'ouvre la bouche sans conviction, et passe ma langue sur son sexe, aveuglé par mes larmes. La main qu'il a lâchée pour tenir mes cheveux cherche un appuie, trouve une bouteille, et la fracasse sur son crâne sans réfléchir. Il geint, et lâche ma tête. Je recule vivement, et me roule en boule dans l'angle de la pièce, silencieux.

Jack s'est réveillé avant moi. Il farfouille partout dans la maisonnette, marche dans tous les sens, me lance des regards bizarres en rougissant. Maman est sous la terre, au fond du jardin, sans stèle. Mon chien aussi. La voiture bringuebalante est chargée de nos maigres affaires, et j'ai peur de comprendre. Au bout d'un moment, Jack vient me redresser, pose ses grosses mains sur mes épaules et je vois qu'il a pleuré. Aèl... Ecoute mon chéri, je suis désolé. Vraiment désolé. J'aimais beaucoup ta maman. Je ne me pardonnerais jamais ça. Viens, mon petit. On s'en va. Ma bouche tremble faiblement, et mes larmes finissent par s'en aller. Je ne comprends pas ce qui lui prend, mais je me laisse entraîner et installer sur le siège de la vieille Ford. Je ne lance pas un regard à la petite maison de bois, ni aux tertres du jardin. J'ignore ce qui m'attend, mais je sais au moins une chose. J'ai terriblement peur.

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeVen 5 Déc - 19:32

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7 Avril 2004

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J'ai froid, encore. Je suis fatigué. Utah, Missouri, Louisiane, Dakota, Caroline, Maine, Illinois, Kansas... Les Etats défilent, les écoles avec, et je me sens m'engourdir au fil du temps. Jack s'est finalement posé à Wichita jusqu'au printemps prochain. Il a trouvé un petit job. L'école publique est pas si mal, mais je m'y suis déjà taillé une sale réputation. Mon poing a volontairement éclaté la face d'un garçon qui a eu le malheur de faire une remarque sur mes vieux vêtements, et le maître m'a exclu deux jours. Voilà donc la raison de ma déambulation dans la ville. Jack a rappelé sa maîtresse, et j'ai rencontré ma demie sœur. Elle a trois ans de moins que moi, et je comprends maintenant pourquoi Maman est morte. Elle lui a sans doute dit qu'elle le quittait. La mère de ma sœur est une garce. Elle hait tout le monde, sauf Jack, qu'elle porte aux nues alors que je vois bien qu'elle aussi porte des marques de coups.

L'école est devenu un terrain de jeu pour moi. Je ne suis qu'un cancre, celui venu de nulle part qu'on voudrait ballotter un peu mais qui contrairement à ce qui était prévu, se défend et tape bien plus fort que les autres enfants. Jack me frappe en retour, agacé par les parents qui se plaignent des blessures infligées à leurs braillards. Jusqu'à ce que ça dégénère. Il y en avait un, un qui ne craignait pas mes coups et qui s'amusait encore et encore à me rabaisser chaque fois qu'il venait récupérer son petit frère après le collège. Ce soir là, la neige a avalé Wichita. Maine se pavane en dehors de l'école, et je sentis sa main saisir mon sac pour m'envoyer manger la neige. Le froid se glisse sous mon tee shirt, et je me jette sur lui avec une rage qui me possède rarement. Je sens mes doigts s'enfoncer dans sa poitrine, et mes dents se serrent sur son épaule. Il tire mes cheveux pour me forcer à lâcher, et je cogne son visage sans aucune hésitation. Les autres élèves, amusés, ne font rien. Ce n'est qu'une fois le visage du collégien réduit à une masse de rouge que le maître débarque en courant, furieux, et me soulève par le pull.

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Evidemment, Jack n'est pas content du tout. Une fois à la maison, je comprends bien ma douleur, et le lendemain, des parents fous furieux sont assemblés devant notre bicoque, demandant réparation et surtout, pour les pères, demandant à ce qu'on me fasse sortir. Vous pensez que Jack s'est énervé ? A défendu son bifteck ? Non. Il m'a chopé dans le grenier, et il m'a jeté dehors, tout seul dans la cour, avec le nouveau berger allemand qu'Akhesa a réussi à lui faire acheter pour moi. Les parents sont en rage, et je décide que je n'ai aucune envie de les affronter. Je file par dessus la clôture du jardin, et dévale les rues en courant, jusqu'aux bords de la ville. Je ne veux pas rentrer chez moi. Je me blotti donc sous les branches basses d'un arbre, les bras enroulés sur moi, et pose ma tête sur le tapis de mousse et de feuilles. Il ne fait pas très froid, mais je frissonne quand même un peu. Mais je suis mieux là.

Maine est défiguré. Jack doit rembourser l'opération, mais bien entendu, c'est moi qui m'y colle pour avoir l'argent nécessaire. Qui embaucherait un enfant ? Apparemment dans ce pays, tout le monde. Un an pour rassembler l'argent, et Jack décidait de repartir. J'ai neuf ans, j'ai vu les Etats Unis, et aujourd'hui, je vais vers ma dernière chance dans une ville dont je ne connais rien, Milwaukee. Le démon sera t il plus clément là bas ? J'en doute fort...

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeLun 8 Déc - 23:19

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6 Septembre 2006

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Milwaukee est épouvantable. L'école est un véritable cauchemar, les gens encore pires, tous pleins aux as, et je me sens comme un brin d'herbe entre les dents d'une vache. Les années n'effacent rien, et n'atténuent même pas les coups. J'ai passé mon chemin, entre fugues et coups de pieds, à coups de poings rageurs. je n'ai pas bien bonne réputation ici, et tout le monde sait que Jack est un salaud. Les voisins nous détestent, et pour cause ! Akhesa grandi cependant, heureuse et toute belle, innocente. Il ne la touche pas, jamais. J'ai dis que quand elle faisait une bêtise, c'était sur moi qu'il faisait retomber les coups. Je crois qu'elle n'aime pas ça, mais elle ne parle pas beaucoup alors je ne sais pas pour sûr.

Ce matin, je rentre au collège public de Milwaukee. Je n'en ai aucune envie, mais au moins là dedans, je ne suis pas avec lui. Le bâtiment est immense et intimidant, tout comme les autres enfants, et je rentre un peu ma tête dans les épaules alors que je les regarde aller et venir, caché derrière un énorme séquoia qui trône non loin du portail. Ils sont tous tout sourire, tous bien jolis dans leurs vêtements normaux, hors de prix à mes yeux. Je jette un œil aux miens, qui ne détonnent pas, mais devront vite être rejoints par d'autres. Je vais devoir travailler beaucoup plus si je veux garder mes secrets pour moi, c'est une évidence... Un soupir triste plus tard, je rajuste mon sac sur mon épaule et sors de ma cachette médiocre, le pas sûr. Je ne peux pas me permettre d'être timide ici, je refuse d'être "celui qui n'est pas comme nous". Je sais comment sont les enfants entre eux, je suis un enfant.

Je lutte pour ne pas relever la tête vers le haut de l'immense portail, impressionné par sa taille, et découvre la cour avec ahurissement. J'arrive pas à croire que Jack m'a inscrit dans un endroit pareil, c'est juste dément, si les collèges publics sont comme ça j'veux pas savoir pour les privés. Je remarque rapidement des groupes d'enfants de mon âge, des filles et des garçons, un garçon blond seul avec une brunette super mignonne. Il a une marque noirâtre sur le bras, qui dépasse à peine de ses vêtements et je capte dans ses yeux là même douleur et le même silence que dans les miens. Elle semble n'être là que comme un pansement amical. Je détourne les yeux, et part découvrir les listes de classe. Je redresse mon tee shirt pour cacher les marques évidente de strangulation qui décorent ma gorge pour la centième fois de ma vie et les points de suture grossier de mon bras. Pour l'attelle de mon poignet brisé, je ne peux rien faire par contre. 6th Grade, 7. Je soupire, et pose mes fesses dans un coin, les yeux fermés, priant pour que personne ne vienne me parler.

L'heure de prendre les cours sonne, et les professeurs principaux se postent sagement sous les fiches de classes, les élèves devant. Sous la mienne, le garçon blond et sa brunette se sont mis côte à côte. Je détaille cet enfant qui semble sorti tout droit d'un miroir inversé, mais pas longtemps. Entourée de filles, habillée comme une petite poupée, aussi frêle et magnifique qu'un colibri, il y a un fille de mon âge. Blonde, avec des yeux bleus à peine maquillés. Mes lèvres restent légèrement ouvertes, et je la regarde arranger une mèche de cheveux en souriant à l'une de ses amies. Je remarque à peine que la classe bouge, et me contente de suivre ses cheveux blonds dans la mêlée, conscient d'un seul fait, elle est dans la même classe que moi. Je m'assois maladroitement au fond de la classe, la tête dans mon cartable, fixant son dos. Je ne devrais pas le regarder ainsi, elle est bien trop jolie pour moi, et bien trop riche ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Elle est tout ce que je ne suis pas, belle et innocente, épargnée par la vie. Je pourrais la haïr par dessus tout, mais elle est si jolie que tout ce que je peux faire c'est sentir que mon cœur flanche déjà pour elle. Je ne lui ai jamais parlé, et je sais déjà qu'elle va me perdre quoi qu'il arrive, que je vendrais mon âme pour elle si elle le demande.

Les cours se terminent, et je regarde cette fille, Lydia, repartir dans une belle voiture aux vitres teintées. Le garçon Mathieu, aussi mais ses yeux sont toujours aussi pleins de peine, comme blessés. Lydia Johanson. J'ai son nom sur les lèvres comme un mot interdit dont le goût vous pousserais à croquer coûte que coûte. Je relève une fois de plus le tissu blanc de mon tee shirt trop large sur mon épaule, et part à la course vers mon quartier. Je m'amuse en parcours, et croise un regard bleu dans une voiture à la vitre abaissée alors qu'une barre suspendue m'aide à me jeter en avant. Un rire amusé éclaire ma soirée, et je lui souris avant de suivre mon chemin rapide vers le nord. Au moins, j'affronterai Jack avec moins de peine.

Que je croyais, bougre d'âne. Jack resserre un peu plus les liens de mes poignets, et je ferme les yeux pour vider mon esprit. Un rire de fille  résonne dans mes oreilles, et la ceinture cingle ma peau comme une morsure. Je crie, et il tape un peu plus fort juste pour le plaisir de m'entendre. Akhesa, ceinturée par sa mère, pleure toutes les larmes de son corps à trois mètres de moi. Mon poignet cassé me fait mal, et la ceinture fine autour de mon cou à laquelle il s'accroche pour me garder la tête relevée m'empêches de bien respirer. Je sens la folie me prendre peu à peu, aveuglé par le manque d'air, par la douleur des coups qui déchirent mes muscles. Je donnerais tout pour être loin d'ici, dans le froid ou sous la terre à dormir, mais il ne me fera jamais ce plaisir je le sais bien. La lanière de cuir se desserre, j'avale de l'air désespérément, et mon corps valse contre le meuble du salon. Il jure, il marmonne que je suis trop arrogant, trop maladroit, qu'il ne devrait pas me faire grâce de son toit avec tous les problèmes que je lui crée.

Ma sœur a été traînée dehors par sa mère, et un lourd coup de pied me cueille aux côtes. Je me roule en boule en hoquetant entre mes dents, et puis j'attends. Je me met à pleurer, et Jack devient fou. Il me saisi les épaules et me cogne au visage en hurlant qu'un homme ne pleure pas, que je n'ai rien appris, et je fais un mouvement pour fuir mais il plaque mon corps au sol sous le sien. Il me bâillonne fermement et me traîne à l'étage pour me lier au lit, récupère sa ceinture et cingle mon ventre pour la première fois. le choc me laisse muet une demie seconde, et je brise la quiétude du quartier l'autre moitié de cette même seconde. Il ne m'a jamais fait aussi peur, et je ne sais même pas pourquoi il frappe à ce point. La douleur m'a anesthésié cette fois, et je fixe le plafond d'un air hagard. Il libère mes mains sans un mot, et disparaît en bas. Je refoule Akhesa venue soigner mes blessures, et me roule sous la couverture sans un mot, accroché à l'image de cette petite blonde assise devant la classe, au souvenir de son petit rire innocent. Je ne sais rien d'elle, rien que son nom. Mais quelque part, elle est déjà mon salut.

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Aèl J. Targison
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeSam 20 Déc - 21:59

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17 et 18 Novembre 2006

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Le froid mordant du nord américain commence à se faire sentir cruellement dehors. Et c'est là que je suis, dehors, seul et perdu dans la grande ville de Milwaukee. Le vent souffle un crachin givrant qui forme sur toute chose une couche de givre brillante et angoissante. Je marche les mains dans les poches, des larmes gelées sur les joues, fredonnant de vieux airs pour occuper mon esprit. De temps à autres je récite mes cours de collège. Tout est bon pour ne pas penser que mon estomac gronde avec une force et une rage presque sourdes. Mes vêtements trempés ont durci, et je grelotte violemment en dessous. Je traverse des quartiers illuminés, étincelants de joie et de richesse, et une fois n'est pas coutume : une bouffée de fureur empli mon cœur et je fixe les gens par les fenêtres avec haine. Et moi pourquoi ne suis je pas né sous la même étoile ? Je me serre étroitement dans mes bras nus, et continues de déambuler dans l'espoir de retrouver mon chemin dans les milliers de rues. Je vois dans des paddocks quelques poneys, quelques chevaux. Je croque ma lèvre inférieure et m'enfuis en courant, mes pieds nus claquant sur le bitume à la façon d'ailes d'oiseau. J'ai froid, j'ai faim, et je ne peux rien faire. La haine me porte de quartier en quartier, je me retiens de coller mon nez aux fenêtres et explose mes poings sur des arbres municipaux. Les larmes sont pour les faibles, c'est ce que certifies Jack.

Mes pas finissent par me ramener aux saignées principales du bourg. Je frotte un peu mes yeux rougis par la fatigue, et avise un restaurant qui fermes ses portes. Je me glisse au plus près sans être vu, repère le commis qui fait les aller retours vers les poubelles, et intercepte ses paquets habilement. Il y a du rosbeef, des pommes de terres, un peu de fromage, du poulet... Ma gorge se serre à l'idée que des gens jettent tout cela sans aucun remord pendant que ma famille et nos voisins luttent pour pouvoir manger tous les jours et échouent souvent. J'emballe le tout dans ma veste de toile, et reprend mon chemin vers ma maison. J'ai volé pour plusieurs jours. Mais ce ne sera pas éternel. La faim est un quotidien, se chauffer également. Il faut aller chercher du bois, et économiser pour acheter des allumettes. Piquer des journaux. L'eau, on a tout juste assez pour en payer deux jours par semaine. On la stocke, on l'assainit et la chauffe à la bouilloire. Mes camarades, ils ne connaissent sans doute pas ça. La crainte de ne pas pouvoir payer l'électricité du mois, de voir leur sœur dépérir parce qu'elle a trop faim ou de ne pas trouver de petit job au noir pour s'acheter le strict minimum. Je secoue la tête, et atteint la maison. J'entre sans un bruit, pose mon butin dans le frigo et monte me coucher, la tête pleine des images de la journée au collège.

Elle m'ignore, elle ne me voit pas, ne me regarde que lorsque Mathieu est à côté de moi, et pourtant j'essaie de rêver un peu plus. Mon ami n'aurait plus de marques violacées, ni cette peine dans les yeux. Selena rirait de nos farces, accepterait Lydia qui me parlerait. Ma sœur aurait une robe de soie, s'amuserait avec ses amies au parc, et mon père me prendrait tout contre lui en rigolant en me disant qu'il était heureux. Maman serait là, et Artie aussi, avec ses lunettes et ses petites piques d'intello. Nous irions pique niquer au bord du ruisseau, j'aurais un poney pour nous tous. Papa une voiture, et un costume d'employé important. Nous mangerions de la dinde rôtie avec des marrons et de la glace en dessert. Ensuite nous inventerions des jeux, entre les arbres, pendant que nos parents discuteraient entre eux du travail ou de notre éducation. Akhesa serait heureuse, pour de vrai, et n'aurait pas cet air rêveur et mature. Cette vie là, je peux la dessiner les yeux fermés. Je peux revoir Arthur, son sourire, entendre ricocher son rire quand Jack le prenait sous les aisselles et le faisait tournoyer au dessus de lui. Rembobiner mille fois tous ces bonheurs à jamais refusés, tenter de recoudre mes blessures d'enfant. Ai-je jamais été un enfant ? Suis je réellement un idiot ? Ai-je fait quelque chose pour qu'on me déteste ainsi, si ce n'est naître ? Parfois, je me cramponne au rire et aux plis légers du sourire de la belle Lydia et j'imagine que je viens du même monde, ou même d'un monde où aucun enfant n'a jamais souffert. Vous savez, un de ces mondes qui n'a jamais existé et n'existera jamais. Je serre un peu plus mon loup en peluche usé, cache mon museau sous les draps et me détend. Il faut dormir.

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Je frotte mes mains l'une contre l'autre, et serre un peu plus ma petite sœur contre moi. Assis dans un coin du parc, ma capuche usée jusqu'à la corde rabattue par dessus ma tête, j'enroule ses cheveux noirs dans mon écharpe trop grande. Elle glisse ses petites mains sous mon pull, et je tend ma main devant moi en rageant au fond de moi. Mais Akhesa est là, collée à moi, son visage calme et pâle dissimulé par mes vêtements. Les petites pièces et les petits billets s'accumulent doucement, je cire quelques chaussures, comme un petit black encore discriminé. Personne n'est à l'abri de la misère. Jamais. Les gens nous dévisagent souvent, et je guette la police pour fuir en cas d'urgence. A onze et neuf ans on n'est pas tellement sensé mendier. Il tombe une petite pluie fine et désagréable. Nous avons réunis un peu plus de vingt dollars à la fin de la matinée, et nous aurions pu faire plus si un visage ne m'avait pas tiré de mes réflexions avec une certaine violence. Ces yeux timides et clairs, ces cheveux blonds et cette bouille...

Ma main se serre sur le poignet de ma sœur et la tire sur ses pieds sans prévenir. La besace fait un bruit de cliquetis, je la fourre dans mes poches et m'envole hors du parc comme un aigle traqué, le tissu claquant autour de nous et les cheveux d'Akhesa derrière. Les passants que nous bousculons parfois jurent et nous maudissent, et je file à travers les sentiers pédestres pour mettre le plus possible de distance entre mon nouvel ami et moi. Oui, ami, je crois. Je ne veux pas le voir souffrir comme moi, cacher ces marques foncées sur sa peau. Je veux qu'il n'y en ai plus. Je suis même prêt à les avoir à place. Je ne suis plus à ça près, j'apprends à me barricader au fil des mauvaises notes ou des remarques de professeur à propos de ma violence envers les autres élèves. Que pouvais-je être d'autre qu'un enfant violent, si ce n'est proscrit et timide ? Mais dans notre milieu, avais-je réellement le choix ? Les enfants sont cruels, et surtout les enfants qui souffrent. Je tira ma sœur jusqu'à la maison, la laisse là avec l'argent et part méditer dans mon arbre au bout du vieux lotissement, sur ma grosse branche. Comment vais-je cacher mes origines ? Est-ce que quelqu'un finira par comprendre ? Certains de mes camarades se verront ils imposer de m'éviter alors ? Je penche la tête sur mes genoux, et espère que ça ne tombera jamais sur Lydia. Je ne veux pas qu'elle m'évite, ou qu'elle me méprise. Et pourquoi me mépriseraient ils ? Ils ne seraient pas capables de faire ce que je fais !

Le vent soulève mes mèches, et je lâche un lourd soupir. Ces pensées ne mènent nulle part. Je clos mes paupières, et essaie d'imaginer l'air dans mes cheveux alors que mon père me ferait tourner au dessus de sa tête comme Arthur, l'ambiance d'une fête foraine, le contact de l'eau d'une piscine ou mieux, le goût d'une de ces barbes à papa devant lesquelles je passe au parc. Un jour, je me donnerais les moyens de connaître certaines de ces choses là. Et une salle de cinéma, à quoi cela peut il bien ressembler ? Je me concentre, et sourit vaguement. Oui, ça doit être fabuleux. Mais ces plaisirs, combien d'heures devrais-je tendre ma main gercée de froid pour les effleurer ?

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Aèl J. Targison
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeDim 21 Déc - 22:45

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23 Novembre 2006

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Je cours, je galope dans les rues, mes baskets heurtant le goudron glacé. Il s'est mis à neiger, et le décor immaculé me donne la nausée, camouflant les choses sous sa perfection. Autour de mon poignet, la main de mon voisin. Il m'entraîne derrière lui à une vitesse folle, et j'en trébuche parfois tant le rythme est soutenu. Il dit qu'il m'emmène découvrir le monde des adultes, grandir un peu plus puisque je me prend tant pour un homme. J'ai crié, j'ai hurlé que je ne voulais pas ne pas être un enfant, et Jack m'a collé une taloche pour me faire taire. Alors je l'ai fermée, et j'ai suivi de force. J'ignore ce qu'ils veulent dire, je ne sais pas où nous allons et dans mon ventre, un nœud s'est formé étroitement. Les adultes, au fond, je les déteste. Toujours à poser des règles, à nous contrôler comme si nous n'étions que des pantins qui leur appartiennent totalement, je voudrais leur hurler : JE NE SUIS PAS UN PINOCCHIO ! Mais je me tais, je reste prostré dans ma rage muette. Que récolterai-je de plus qu'une nouvelle raclée de toute manière ?

Le voisin -Mike ?- s'arrête enfin, sans considération pour mon souffle sifflant, et je découvre une entrée couverte de néons lumineux, qui clignotent dans la nuit. Une femme presque nue danse devant une vitrine, et mon cœur se serre. Un bordel. Le monde des grands... Mes yeux me piquent, et je fais un brutal mouvement vers l'arrière pour tenter de me dérober. C'était stupide. Une baffe de plus, et il me tire vers la porte et le gardien au gros ventre. J'essuie mon nez du bout de ma manche crasseuse, et baisse les yeux vers le sol. J'aimerais que ce type dise que je suis trop petit, que je ne rentre pas, mais non. C'est comme s'il n'avait rien vu, et Mike m'entraîne à l'intérieur. La chaleur m'assaille, et je me retrouve face à une rouquine très craquante dans son ensemble cuir et ses escarpins crantés. Le voisin murmure quelque chose à son oreille, elle sourit d'un air entendu et vient vers moi avec son regard avenant. Je recule le plus possible, mais ça ne sert pas à grand chose. Elle pose sa main manucurée et légère sur mon épaule, et s'accroupi légèrement pour être au même niveau que moi. Ses lèvres peintes se plissent, et je déconnecte un instant du monde. Alors, Aèl ? Tu n'as rien à craindre, d'accord ? Tu vas venir avec moi, tout ira bien, je t'assures. Tu es drôlement grand dis moi pour ton âge ! Je sais qu'elle m'amadoue. Et en même temps, je sens un certain étonnement dans sa voix. Alors je la suit. Après tout, je ne suis qu'un enfant.

Je ne vois pas le sourire moqueur du voisin, ni l'air moqueur du barman tout gras. Je me contente de suivre, lentement, sans m'en rendre compte cette silhouette fine et parfaitement proportionnée de mannequin. Cette fille, parce que c'était une fille, pas une femme, m'a fasciné à une vitesse effroyable. Jusqu'à ce que la porte se referme sur nous dans une petite chambre à la lumière tamisée. Je sursaute, recule, ma tête cogne un meuble. Je me sens comme un animal traqué, et ses mains qui se lèvent pour se poser sur moi ont l'effet inverse de ce dont elle a l'habitude. Je me contracte furieusement, et repousse ses bras avec une rage que je n'avais pas ressentie depuis les écoles de mon périple. Ses yeux noisette me dévisagent avec surprise, et je m'éloignes le plus possible, les bras autour des épaules. Comment sort on d'ici ? Hey, Aèl... Calmes toi, ça va aller tu sais. C'est pas.. -T'as pas le droit de dire que c'est "rien" !! C'pas rien ! J'veux pas OK ? J'veux pas, restes loin de moi ! Elle me regarde comme si j'avais proféré la plus grosse énormité qu'elle ait entendue, et avance quand même.

A ce stade, je dois l'avouer, je craque. Mes larmes ruissellent sur mes joues sans que j'en ai conscience, et je ne suis pas capable de résister à ses mains douces qui écartent mes bras de mon corps et descendent les attaches de ma veste sans gêne ni hésitation. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine, j'essaie de chasser ses mains et là, ses dents s'enfoncent dans le joint de mon épaule et ma clavicule et un cri surprit ricoche sur le mur d'en face. Ses cheveux roux coupés courts deviennent un peu mon monde, entrecoupé brutalement par ceux de Lydia. Une bouffée de haine aiguë, perfide et tranchante déchire mon cœur sans prévenir, et je la revois m'ignorer, me snober presque. J'envoies au diable sa beauté, son sourire, son insupportable et si douloureuse perfection et pose ma main sous le menton de la rouquine. Elle me sourit, et j'amène ses lèvres aux miennes sans hésiter. J'ai déjà embrassé une fille ça va, et depuis longtemps !  Et puis un peu plus mais au point de -non ! Envoies tout brûler Aèl, fous le feu à tout ça !

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Mes mains glissent le long de ses hanches, légers, et ma langue sur son cou. Je sens qu'elle tire mon tee shirt, la laisses me le retirer et les agrafes de son corsage sautent. Elle est belle, bien plus belle et moins vulgaire que les autres. Je laisse mes doigts divaguer sur sa poitrine, ferme une à une les portes de mon esprit et oublie qu'il y a Lydia. Je la hais, je la déteste de toute mon âme et finalement ils ont raison là dehors, je ne suis pas un enfant. Il n'y aura pas de retour en arrière et si vous saviez comme je m'en tape... J'embrasse le péché et la méchanceté de tout mon corps, autant que je le peux, et je ne le laisserais pas repartir. S'il le faut je l'attacherais au fond de moi, mais il restera en moi, ce démon de luxure, de fureur et de haine brûlante qui enflamme mes os et mes muscles. Je pousse son corps contre le lit, et elle bascule quand ses genoux sont taclés par le matelas. Elle me défait de mes vêtements mécaniquement, aussi élégamment que moi, et son sourire envoie des papillons entre mes reins. Pourtant la terreur est encore là, piquant mes flancs sans merci mais ignorée.

Ses jambes, qui s'enroulent derrière mes hanches, sont je crois le plus vif de tous mes souvenirs à ce jour, comme un coup de couteau tout frais. Plus même que Lydia, comme si on m'avait ouvert en deux sans prévenir. Je ne suis absolument pas préparé à gérer ce qui se passe, même pas un peu, et je ne sais plus qui bouge le premier ou qui parle, soupire, griffe les épaules de l'autre. Je n'entends plus que ces souffles mêlés, ne sens que ces mouvements souples et languissants qui m'envoient de plus en plus près des étoiles. Mais je reste conscient de mes gémissements étranglés, du plaisir inhumain dans mes veines, de ses lèvres qui suçotent ce point de jonction délicieusement. C'est presque violent, bestial, tant mon corps réclame le sien. Son sexe, ses lèvres, ses mains me rendent complètement dingue. A la fin, les draps n'ont rien d'autre que le nom de draps. Lambeaux ou confettis aurait mieux convenu. Je ne peux pas décrire exactement ce qui se passait, je n'ai plus d'images en tête mais seulement l'odeur du sexe qui allait devenir ma compagne quotidienne et le son de respirations perdues et erratiques. Mais c'était bon, terriblement bon. J'avais finalement choisi l'ombre.

En ressortant du bordel, laissant Mike payer pour mon appétit sexuel, je sais une chose nouvelle. Mon corps, mon visage et ma souffrance peuvent, une fois réunies, m'ouvrir les portes d'un monde qui sauvera ma famille. Et au feu les préceptes et la peur d'être brisé. Aux yeux de ceux que je hais, je serais parfait. Et rien ni personne ne m'empêchera de réaliser mes ambitions. Pas même Lydia.

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeVen 23 Jan - 0:51

ON VEUT LA SUITE !!!!

(c'est Lydia qui parle là !)
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeMer 4 Fév - 23:31

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5 Juin 2007


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C'était parfait. Si on lui avait demandé ce qu'il pensait quand on lui demandait comment était sa soirée précédente. S'il le pensait ? Non. Pas vraiment. Ce matin, sa tête tournait, il revoyait sa nuit par flashs, et une sensation brûlante avait envahi ses reins. Il se sentait bien, et en même temps, un peu perdu. Alors il était sorti courir pour se souvenir, et galopait derrière des images en forçant ses écouteurs contre ses tympans. Au fond, il savait bien ce qu'il s'était passé, et il ne regrettait pas, il s'était senti bien dans les draps usés et doux dans lesquels il avait abandonné sa dignité et ses complexes, jeté aux orties ses croyances et fait un gigantesque bras d'honneur à la petite vie parfaite qu'il espérait apprivoiser. La chaleur lui revenait, mêlée à l'odeur envoûtante du gel douche, l'humidité sur sa peau, le contact du tapis de sol pelucheux. Des images entrecoupées de plafond blanc, le son de respirations erratiques mêlées, et une sensation inconnue, choquante et attirante. Il entendait sa voix ricocher dans la salle de bain, supplier, quémander comme un chiot mal éduqué. Ses reins s'enflammaient, sa peau lui semblait hypersensible, et il pensait à Mathieu, à Lydia, à sa famille éclatée et meurtrie. Ses doigts s'accrochaient savamment dans les boucles brunes de son chef de gang, et ses jambes se joignaient dans le dos qui se mouvait. Il ne savait plus quoi penser de lui, perdu dans son plaisir coupable. La honte viendrait après. Le désir de dominer ensuite, puis la haine, un peu plus forte qu'avant. Sa vie suivait le chemin de la colère, comme toutes celles des enfants qui grandissaient comme lui. Son âme hurlait. Et pourtant, il se sentait bien. Il était en vie, capable de ressentir, de se souvenir, de bouger à sa guise, de s'exprimer. Ses pieds avalaient les kilomètres, son cœur battait fort dans ses côtes et il rêvait de liberté. Il ne se sentait pas triste. La tristesse s'en était allée petit à petit, le laissant là, abandonné, réceptif au monde alentour et prêt à se battre. Sa nuit avait été parfaite.

Colère. Il était en fait de toutes pièces, façonné à l'image du bitume usé de son quartier, fourbu de souffrance et de désir de vengeance. Il la ruminait ardemment, sa vengeance, d'une façon ou d'une autre. Et sa volonté de sortir de cette vie avec. Il courait. Pas avec désespoir non, mais avec espoir. Il voulait blesser, s'enfuir, rire à pleine voix loin de cette ville. C'était ce qu'il voulait. Et il l'aurait, il le savait. Il chantonnait en suivant la route de campagne vers l'horizon, le long du lac, seul au monde. Il était cinq heures et demi du matin. Le jour embrasait doucement l'horizon, et il rêvait encore. Jet, Akhesa, Mathieu, Lydia. Les noms se bousculaient. Il n'en aurait suivi aveuglément qu'un seul, pour défendre un autre. Il aurait suivi Jet, dans les rues et les mauvais coups, nourrissant sa rage, pour sauver Akhesa. Jet était un garçon plus sauvage que n'importe quel autre personne qu'il avait croisée dans sa vie. Il défiait tout, même la mafia, avec une hargne bien particulière. Pour Jet, son frère cadet Mitch était un trésor. Cependant, Mitch était un garçon. Alors le brun le formait durement, lui apprenait à ne rien craindre et à se battre. Souvent, Aèl se battait pour Jet. Il n'était plus à un ou deux bleus près. Il s'en moquait à vrai dire, parce que Jet était un modèle. Les filles le haïssaient malgré son pouvoir de séduction, il avait une cellule presque réservée pour le jour de son arrestation dans les geôles de Milwaukee mais il s'en moquait. La cigarette éternellement au bec, il se promenait du haut de sa veste de cuir et de ses Dr.Martens usées jusqu'à la corde, à cheval sur sa moto si vieille qu'elle aurait valu des milliers de dollars. Mais il ne la vendrait pas. Jet avait déjà tué. De tous les gosses du quartier, c'était le moins hésitant. Un jour, pour protéger son frère du viol, il avait tué. Il avait soulevé un pierre dans le parc, et il l'avait fracassée sur le crâne du type. Il n'en parlait jamais. Aèl aimait beaucoup son chef. Il avait eu un choc en découvrant un jour le jeune homme aux prises avec l'un de ses amis, leurs mains perdues sous les vêtements de l'autre, à la recherche d'un peu d'amour. Puis il avait accepté. De toute façon, ce n'était pas ses affaires. Jet était prostitué, de toute façon. Il n'était plus à ça près. Femmes, hommes, vieux ou jeunes, plus rien n'avait de sens. La faim était sourde et aveugle.

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La ville vibrait au rythme de la nuit, silencieuse et bruyante à la fois. Jet menait la marche, fier et droit, agile. Il dégoupilla le gaz rose, et largua le tout sur les patrouilles de polices qui traversaient le quartier. Un chant d'oiseau furtif résonna, et il sourit. Aèl, fasciné, suivait l'organisation des enfants de la nuit. Il voulait faire partie de ce monde, il le voulait de tout son cœur. Plus question de se geler seul dans les rues au péril de sa liberté, et celle de sa sœur. Plus encore depuis cette nuit de volupté dans les bras du grand brun, abandonné à un monde inconnu et envoûtant. Il était comme un papillon attiré par la flamme dansante d'une fragile bougie, prête à s'éteindre à chaque bourrasque mais qui, pourtant, luttait. Les policiers se dispersèrent, et Jet s'élança dans la rue, un lance pierre à la main, prêt à éclater les pare-brises qui oseraient revenir. Ses yeux clairs, presque dorés, luisaient d'une fierté et d'une envie de combattre presque déroutante. Pourquoi défendre cet endroit pauvre et défait, cruel ? Il n'y avait pas de raisons. En vérité, il protégeait le lieu de vie de Mitch. Si Mitch partait, alors l'allégeance de Jet changerai.

C'était ça. C'était ça qui l'attirait. Cette loyauté sans faille, aveugle et violente. Jet se traînait dans la boue plus loin que lui pour Mitch, aussi loin que possible. Jusqu'à avoir tué, jusqu'à mourir, quoi qu'il advienne. Il s'était prit un coup de poignard pour une histoire créée par son frère, délibérément, sans jamais douter de ce qu'il faisait. A côté, il se sentait pâle. Alors il fini par lui vendre son âme. Par le suivre, plus loin que n'importe qui, dans tout, jusqu'à se hisser à son rang, à devenir un garçon appelé "ami". Jet le comprenait. Et alors qu'il s'enfuyait dans la nuit, minant la route de chausse trappes, il riait. Jamais ses camarades ne pourraient lui offrir ça. C'était son monde, et il l'aimerait. Avec Jet, il l'aimerait. La richesse ne faisait que des égoïstes. La pauvreté, elle, faisait des monstres d'égoïsme.

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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeSam 8 Aoû - 19:22

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12 Décembre 2009


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Quatorze ans, pour beaucoup d'enfants, était un âge important. Pour d'autres, il s'agissait de bien plus que ça. Dans le quartier d'Aèl, quatorze ans, c'était l'âge où plus personne ne vous considérait  comme un enfant. Et pour Aèl, l'anniversaire arrivait à grand pas. Pourtant, c'était le cadet de ses soucis. Lui, il n'avait qu'une seule chose en tête. Elle. Elle, et leur relation si étrange. Elle, son sourire, son corps souple, sa voix moqueuse. Il crapahutait dans les rues enneigées, seulement vêtu d'un marcel blanc et d'un short en jeans noir, bien planté dans ses baskets, son pendentif tribal balançant sur ses clavicules saillantes. Il avait toujours été beau garçon, séducteur, allumant une étincelle dans le regard des femmes et des filles, mais cette fin d'année l'avait remodelé. Ses muscles noueux d'enfant s'étaient encore épaissis, solidifiés, son visage perdait son infantilité et il mesurait presque un mètre quatre vingt. Sa peau, avec l'arrivée de la neige, s'était encore brunie sous les rayons de soleil et ses yeux bleus captaient les lueurs partout dans les vitrines. Toute la gente féminine de sa tranche d'âge se retournait sur son passage.

Dans la ville, l'approche de Noël resplendissait. Les jeunes en profitaient, et surtout, les riches enfants. Elle, elle était de ceux là. Robe de Noël, robe de réveillon, parures, chaussures, coiffures à prévoir, soirée à organiser, tout cela occupait son temps. Il avait besoin de compter pour quelqu'un d'autre que Mathieu, Akhesa et Jet. Jet qui, de son côté, ne décolérait pas envers son jeune ami. L'attitude de son bras droit était une haute trahison, un comportement qu'il qualifiait comme seulement digne d'un chien de la noblesse. Peu de temps plus tôt, Aèl aurait réfléchi et se serait dit que son aîné avait raison, mais entre temps, tout avait changé. Lydia avait dépucelé Mathieu, puis s'était mise en couple avec lui, mais avait demandé à Aèl de lui accorder son temps une fois par semaine et depuis tout le temps que cette promesse avait prit effet, elle ne s'était toujours pas lassée, au grand plaisir du jeune garçon. Il ne touchait plus vraiment terre. Jusqu'à la chute.

Les disputes commencèrent. Il commença à s'énerver souvent, à la rejeter sans réellement comprendre le sens de sa colère envers elle et envers lui-même. A la maison, il devint exécrable et reçu des coups sévères, explosa de violence envers les gens qui l'entouraient. Il lui fallut arriver au mois de décembre et l'apercevoir en plein shopping des fêtes avec un garçon aux cheveux roux qui riait gentiment pour comprendre. C'était la différence. Il était fou amoureux, mais leurs différences, qu'elles soient de caractère ou matérielles, l'effrayaient et le faisaient fuir. Pendant qu'elle profitait de son argent dans les boutiques de luxe avec son ami, qu'il ne connaissait pas, lui déambulait dans les rues blanchies en rêvant d'une histoire d'amour dénuée de sens et d'espoir. Un garçon plus malin que lui se serait enfui hors de cette situation empoisonnée, aurait fait le mort et disparu de la surface terrestre, mais pas lui. Il avait envie de s'éloigner d'elle, mais pour une raison étrange, il en était incapable.

*

Un jour, le jeu cessa d'aller dans un seul sens. Les répliques passives de la blonde se muèrent en autre chose. En de la rivalité. Suivirent les questions. Pourquoi tu joues ? Qu'est-ce que tu veux ? Est-ce que tu m'aimes ? Est-ce que l'on s'aime ? Que fait on là, amants, amis, sans relation définie et dans la clandestinité ? Le temps, immuable, les transformait plus vite que prévu en jeunes adolescents aigris et inquiets, barricadés dans leur insouciance inconsciemment fausse.

La vérité, même s'il ne l'admettrait jamais à voix haute ni même par écrit ou autre, c'était qu'Aèl était fou amoureux de Lydia Johanson, mais il la haïssait aussi. Elle faisait naître en lui des sentiments qu'il ne connaissait pas, qui l'effrayaient, alors il la faisait souffrir dans la mesure de ses possibilités pour tenter de rompre le lien qui les unissait. Et malgré le temps, les changements, les disputes de plus en plus violentes et d'ailleurs bien trop pour deux jeunes gens de quatorze ans qui ne sortaient pas même ensembles, la jolie blonde ne rompait pas ses fils et il ne brûlait pas plus les siens.

Un flocon bien dessiné vint se poser sur le filtre de sa cigarette, et fondit à la première bouffée qu'il inspira. Le froid mordant de décembre faisait bleuir ses doigts et ses lèvres, trembler ses muscles sous ses vêtements rembourrés. Il regarda la fumée former des nuages torturés devant sa bouche glacée, et ses yeux océan suivirent le mouvement des phares arrières rouges de la voiture luxueuse qui emportait sa camarade et son ami. Elle avait un instant durant croisé son regard, mais il était certain que dans ses mitaines trouées, son vieux jean et sa veste usée aux plumes qui s'échappaient du revêtement, elle ne l'avait pas reconnu. Il avait un bonnet gris enfoncé sur les oreilles, une écharpe couvrant tout le bas de son visage et fumait avec l'air mortifié des clochards. Comment aurait elle pu faire le rapprochement ? Mathieu lui même le zappait parfois, quand il se dissimulait dans les recoins des ruelles enneigées. L'hiver, les gens comme lui disparaissaient comme par magie. Il ne fallait pas gâcher Noël...

En rentrant chez lui, traînant les pieds dans la neige devenue marron des trottoirs, il reçu un message. C'était elle, voulant savoir s'il venait bien le lendemain au soir. Un soupir brisa ses lèvres, créant une buée qui gelait presque instantanément, et il répondit par l'affirmative. A chaque fois, il ressentait d'abord un pincement en pensant à ce qu'il faisait à son meilleur ami. Puis, une bouffée de haine étreignait son cœur et il se souvenait qu'il la lui avait prise, qu'il avait sauté sur l'occasion après leur échange pour l'avoir pour lui alors qu'il savait très bien ce que le brun ressentait pour elle. S'il ne lui avait pas demandé d'abord, c'était aussi pour qu'ils puissent la partager au lieu de s'entre déchirer. Et il aurait sa vengeance. Alors que l'accusé de réception de sa réponse faisait vibrer son téléphone, un sourire satisfait étira ses lèvres, et il se laissa aller à imaginer la soirée à venir. Ensembles, plus rien n'avait d'importance. Et c'était ça, la magie de l'enfance. Il pouvait essayer d'être adulte, il pensait avec son âge. Grâce à son amour pour elle. Le reste pouvait bien disparaître.

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Lydia V. Johanson
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeLun 17 Aoû - 2:00

Je t'aime et je te déteste.... C'est grave docteur ?
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Aèl J. Targison
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MessageSujet: Re: Cause life only leads to death   Cause life only leads to death Icon_minitimeVen 13 Mai - 9:22

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11 Juillet 2010


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Je ne sait même plus pourquoi j'ai accepté en premier lieu. C'était complètement idiot. Mais c'est vrai, voir mon oncle, ma tante, et puis ma cousine est rafraîchissant. Ce qui me fait souffrir, c'est de voir l'incompréhension dans les yeux de ma sœur, chaque fois qu'elle les pose sur moi. Elle ne peut pas comprendre. Elle ne connait pas le garçon que j'ai été ici, au bord de l'océan.

Je suis comme possédé. Chaque matin, ça s'empare de moi. Je me lève aux aurores, je grimpe jusqu'en haut des falaises contre lesquelles s'écrasent les vagues de l'Oregon. Le vent hurle des inepties à mes oreilles, des bribes de souvenirs. J'attend le levé du soleil, magique, magnifique, à l'opposé de l'horizon maritime, par dessus la cime des séquoias géants et des châtaigniers. Et quand il se lève enfin, j'ignore pourquoi, il y a cette pulsion qui s'empare de moi, qui me pousse violemment dans le dos, juste entre les omoplates, et je m'élance furieusement le long du chemin, vers la plage. Elle est grise, la plage, grise et froide, comme celle du île du Washington, et mystérieuse. Je cours, je cours, je cours, encore et encore, sans jamais sentir mes poumons crier grâce. L'air salé s'engouffre dans ma poitrine, et j'oublie que là bas, loin d'ici, là où mon, père m'a emporté après son crime, j'ai un ami riche que j'adore, et un amour interdit, qui me détruira lentement.

Ce matin, j'ai couru plus loin que d'habitude. Je me sentais porté, hébété, comme en apesanteur, l'esprit transporté par la musique qui rugit au fond de ma tête. Je ne savais pas que courir sur le sable trempé m'avait autant manqué. J'ai couru longtemps, sans vraiment réaliser que je m'éloignais de la maisonnette de mon oncle, droit vers le village. Je ne m'en suis rendu compte qu'en foulant le bitume, et la magie s'est rompue. J'ai ralenti, rajusté mon tee-shirt, et promené un regard autour de moi. L'école n'a pas changé. Je repère une chevelure brune emmêlée qui me rappelle quelqu'un, deux types de mon âge au regard figé par la lassitude du quotidien des pêcheurs. L'un d'eux, avec des cheveux d'une couleur indéfinissable, me fixe longuement, une cigarette salement roulée coincée dans son bec. Je ne suis pas connu pour ma patience. Hé mon gars, j'peux savoir pourquoi tu me dévisages ? je l'interpelle. Le type hésite, mâchonne un peu le filtre de sa clope, fourre ses mains dans les poches de son ciré. Ses yeux naviguent un peu partout, cherchant à se fixer sur quelque chose, mais surtout pas moi. "Pour rien. T'as la gueule d'un gamin que j'emmerdais. Parti. Tu t'appellerais pas Benny Schuman, par hasard ?"

Les trois adolescents grisonnants me lancent un regard interloqué. Je les comprend. Pas facile de me reconnaître, avec mes quatre vingt dix centimètres de plus. Eux, ils n'ont pas changé d'un iota en tout cas. Toujours aussi minables. "Comment tu sais qui je suis ? -Parce que je pense que je te rappelle Aèl Targison, et vu que c'est moi, bah... -Noon... Mec comment t'as trop changé, c'est vraiment toi ? Trop canon ! Prend en de la graine, Benny !" J'hausse un sourcil perplexe. Hannah Kinneth. Pas changé non plus. Toujours aussi brut de décoffrage et lesbienne.

S'en suit un tas de questions débiles, partant d'où je suis allé jusqu'à pourquoi je suis là. Vacances en Oregon, pour eux, c'est débile. Il s détestent ce bled. Et moi qui le regrette parfois tellement, c'est vraiment pathétique, je vous jure. Je fini par somnoler à la table du café miteux où ils m'ont entraîné, lâche un billet sur le comptoir et indique que je sors fumer, et rentrer chez moi. Vous vous en doutez, ils décident de ne pas me lâcher d'une semelle. Il paraît que je suis devenu exotique... La vache, ils sont vraiment crétins. Je partage une cigarette avec eux, méfiant, discutant surtout avec cette brute d'Hannah. Et alors je fais l'erreur de balancer que je fais du baseball. "Et tu vas nous montrer ?!" Raah, super. Et bah tant qu'à faire, allons y gaiement...

***

"Hé, Aèl, on va courir ensembles ?! Je m'entraîne pour les sélections de football !" Si tôt le matin, sans rire ? Pff... Cette fille, elle va pas me lâcher ? J'acquiesce sans un mot, ajuste mon short, vérifie mes baskets payées grâce aux petits boulots de la fin de l'année scolaire. Nickel. Je pars, elle suit.Putain, j'aime courir. Elle aussi, apparemment. Elle y va, bon sang. Elle fonce, elle enjambe les obstacles, elle gère son corps à la seconde. Elle a toutes ses chances d'être sélectionnée, putain. Je lui adresse un sourire à mi chemin, et l'entraîne vers le petit bois. Troncs basculés, trous, clôtures, il y a de quoi s'entraîner. Je fini par lui avouer que je rêve d'être pro en baseball, et elle ne ri pas. C'est une fille bien.

Nous organisons un programme de training, je l'aide un peu à la boutique de son père pour lui libérer du temps. J'ai l'impression que le temps file entre mes doigts, que Milwaukee s'éloigne, j'oublie l'odeur de Lydia, les cris des Cheerleaders sur le bord du terrain, le rire de Mathieu. J'efface les rugissements de moteur au profit du roulis des vagues, du cri des mouettes et des goélands. Il y a quelques albatros; ce qu'ils sont beaux ! Hannah est peu bavarde, ça me va. Un matin, nous détalons à travers plages et bois comme des furieux, entre courses et batailles simulées pour se chercher un peu d'adrénaline. Je perd toute notion de temps, d'espace, quand la silhouette familière du paysage me tire de ma torpeur. Falaise à gauche, sentier, bois derrière, plage en bas, maison... A droite. L'océan rugit en bas de notre promontoire, le vent siffle, et les embruns nous arrivent dessus en pleine figure. Ils ont toujours cette odeur sauvage, qui transporte, de très loin, une vague odeur de poisson fumé. Le ponton, en bas, n'a pas changé de place. Je regarde la maisonnette bringuebalante, le jardin envahi par la nature. Il n'y a plus rien de visible.

Sans réfléchir, j'ignore pourquoi, je m'approche lentement, pousse la porte qui n'oppose aucune résistance; elle est fichue. Il fait un froid glacial et humide à l'intérieur. Le canapé sent le tissu pourri, la vieille télé à l'écran fêlé. Tout n'est plus que désolation, abandon, mais il ne manque pas un objet; qu'y aurait il eu à voler, de toute façon ? Même plus d'eau courante. Je monte prudemment l'escalier vermoulu, alors qu'Hannah m'appelle doucement dans le salon. Je sens qu'elle est inquiète. Le petit étage est silencieux, plongé dans les souvenirs, témoin immobile d'une vie qui semble remonter à des siècles. Je pousse la porte de la chambre bleue, celle que je partageait avec Artie. Le lit est là, mangé aux mites, dans la même pose que le jour où j'ai quitté cet endroit il y sept années. La couette froissée, les deux oreillers, la peluche d'orque de mon frère. Je l'attrape et l'examine : elle n'a pas souffert. Je vais la rapporter. Les images ont terni, mais au milieu, il y en a une qui semble jurer entre les coupures de magazine. Mes grands parents, ma mère, mon père, mon oncle et ma tante. Nous sommes trois enfants sur le cliché, je dois avoir quatre ans au plus. Je fixe ces enfants capturés en plein jeu, débordants de vie et de joie, les visages heureux de mes parents. Que s'est-il passé ? Qui a arraché cette expression à mon père ? Je ne comprends pas ce cliché, mais je le fourre dans une poche, et je vais chercher la photo de ma mère dans l'autre chambre, ainsi qu'une toute, toute, toute petite boite qui renferme, je le sais, un collier d'or orné d'une unique perle d’huître. Je n'aurait jamais cru avoir la force de venir récupérer ces choses là.

Je redescend sans rien dire, et trouve Hannah devant le buffet, occupée à fixer une troisième photo. Arthur, sept ans, me serre contre lui, son cartable au dos. J'ai cinq ans, et mon bras est bleui, presque noirci. Il y a une coupure sur ma joue. Déjà... Dis, Aèl... Est-ce que ton père te frappait ? On se l'est beaucoup demandé, quand vous avez disparu, tu sais. Quand tu es apparu sur la grève il y a quinze jours, tu avais des marques. Je tourne la tête vers elle, indécis, les trois clichés fourrés dans ma petite poche de short. Que lui dire ? Après tout, que perdrais-je ? Je ne fais plus partie de ce décor là. Oui, souvent. Il me bat toujours, d'ailleurs. C'est pas dramatique, tu sais. On s'y fait. C'est juste un peu chiant quand la maîtresse te punit au moindre faux pas alors qu'elle sait. Mais les adultes sont cons, ça, c'est pas un scoop. Allez, viens. Il y a rien de bon dans cette baraque. C'est mort ici. Et bien mort. Je l'entraîne dehors, jusqu'au portail de bois tordu, et regarde un instant, juste un, les deux petites marques gravées dans la pierre qui trône au milieu de l'ancien potager. Si seulement maman avait eu une famille pour s'inquiéter d'elle, ma vie aurait-elle changé ? Peu importe, maintenant. Je serre l'orque en peluche dans ma main, et je repars. Je cours, je cours, toujours, à l'infini, comme si courir inlassablement me permettait de mettre mon cerveau en stand-by.

Hannah est rentrée chez elle avec un sourire pâle. Je sais qu'elle sera footballeuse, un jour. Comme peu ici, elle a la rage de s'en sortir. Akhesa a regardé l'orque avec un drôle d'air, Lila aussi. Lila n'a rien dit. Je sais qu'elle a reconnu cet objet. Mon oncle aussi. Je l'ai lavé, et fourré dans mon sac de voyage à l'heure de repartir. La voiture usée du voisin qui nous a emmené à la gare m'a rappelé mon départ il y a des années. J'ai regardé la plage s'éloigner, j'ai inspiré l'odeur de l'océan, et je me suis promis, oui, un jour, je reviendrais, je retournais courir mais sur l'océan. Dans cette vie ou dans l'autre. Mon cœur, bien que transformé par Milwaukee, réside encore ici. Dans la petite chambre bleue, avec l'albatros peint sur le mur, silencieuse et vide. Quelle belle boite, pour un souvenir...
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