"Être un Rosier, c'est incarner des valeurs, c'est défendre les bases solides sur lesquelles est construite notre société, c'est être plus que parfait, c'est être l'excellence. Ne l'oublie jamais Emily."


William Rosier avait les traits durs et froids nécessaires à la tenue de son rang de sang-pur. Ses rares interactions avec ses enfants étaient à son image et pendant longtemps Emily ne comprit pas ce qu'il attendait d'elle. Azraël était son seul repère dans un monde étrange, enfant en bas âge elle ne le lâcha pas d'une semelle, devenu autonome, ils devinrent incontrôlables. Si les punitions pleuvaient, elles ne les arrêtaient pas, jusqu'à ce qu'Emily soit en âge de faire son entrée dans le monde. À cette date, leur père durcit la main de fer sur ses enfants, les poussant à prendre leurs responsabilités de sang-purs.

Avec l'aide d'Azraël, Emily apprit à catégoriser les gens afin d'adapter son comportement en fonction. Hostiles, pacifistes, neutres dans un premier temps. Il fallait bien commencer quelque part et surtout essayer d'assimiler des comportements à adopter en réponses qui soient un peu plus que seulement de l'indifférence. Il fallut tout l'acharnement de son frère pour qu'Emily fasse vraiment l'effort de s'y intéresser, mais un effort qu'elle ne regretterai jamais d'avoir fourni.

Dans un second temps, elle apprit de nouvelle catégories, menteurs, hautains, méprisants, aimables ou faux. Le panel restreint d’attitudes auxquelles Emily était confrontée dans son environnement de sang pur. Une tâche plus ardue que la précédente, mais qui lui facilitèrent tellement son quotidien. Elle copia alors les comportements des adultes de son entourage plutôt que ceux de son frère comme elle l'avait fait jusque-là, les trouvant plus faciles à maîtriser car plus calmes.

Enfin, les autoritaires, incarnés par un père absent, mais surtout par des gouvernantes un peu trop zélées. Ces personnes-là, Azraël et elle se firent un devoir de les transformer en craintives. Une catégorie qui se révéla rapidement être sa préférée. Emily se découvrit sans limites lorsqu'il s'agissait de faire naître ce sentiment chez autrui. La créativité lui vint assez facilement pour imaginer pièges et plans pour casser ses nouveaux jouets. Ce sont ces événements qui l'amenèrent à expérimenter son premier propre sentiment. Un besoin profond et violent de tester les limites de l'humain, comme un chat jouerait avec une souris avant de la dévorer une fois l'appétit aiguisé. Oh, elle était bien décidée à manger une souris. Traduction plus terre-à-terre, elle poussa leur gouvernante dans ses retranchements à coups de plans tordus dont elle était la victime, la rendant paranoïaque. Emily avait fini par lui insuffler l'idée qu'elle empoisonnait toute nourriture et liquide destinés à l'employée de maison, la poussant à s'affamer, ajouté au manque de sommeil, il ne fut pas surprenant de la voir succomber naturellement. Était-elle restée par fierté jusqu'à s'en tuer au lieu de fuir ce château de fous ? Emily n’en aurait jamais la réponse.

Le départ d’Azraël pour Poudlard sonna comme une sentence. Une vie sans son frère lui semblait alors insupportable et elle le fut. Son absence fut synonyme de régression pour l'enfant têtue qu'elle était. Pourquoi devait-elle faire des efforts pour s'intégrer à un monde sans Azraël ?

La jalousie, un vicieux sentiment qu'elle ne comprendrait jamais complètement, mais qui la rongeait lentement. Elle aussi voulait aller à Poudlard, elle voulait rejoindre la seule personne avec qui elle était capable d'interaction, la seule qui la comprenait, la seule avec qui elle n'était pas différente. La jeune fille se plongea alors dans n'importe quel livre qui lui tomba sous la main dans la bibliothèque familiale. Ces choix hasardeux lui desservirent bien évidemment et ce ne fut que l'intervention de son frère des mois plus tard qui lui permirent de préparer efficacement sa rentrée au collège.


Emily pensait à tort que rejoindre Poudlard réglerait son problème, qu'elle pourrait passer son temps avec son frère. Elle ne s'était jamais autant trompée. Certes être répartie à Serpentard ne fut qu'une formalité, mais l'écart d'âge entre eux d'eux dressa une nouvelle barrière invisible. La nouvelle élève, installée au coin du feu dans sa salle commune, relisait la définition du mot frustration pour la troisième fois, essayant de trancher sur l'identification de ce qu'elle ressentait. On s'y approchait sans y être. Décidant qu'il n'y avait pas d'intérêt à perdre plus de temps sur le sujet, elle fit avec ce qu'elle avait. Elle acceptait que son frère soit à une nouvelle distance d'elle, mais l'histoire leur apprendrait qu'elle le ramènerait près d'elle à la moindre occasion.

Encore une fois, elle concentra ses efforts sur ses études, trouvant la pratique de la magie bien plus intéressante que les gens qui évoluaient autour d'elle. Plus d'une fois, elle fit la démonstration de ses compétences en cours et quelques fois sa puissance lui échappa. Lorsqu'elle commença à blesser ses camarades sans éprouver le moindre remords, le corps enseignant se prit de l'affaire et Azraël y fut mêlé. Ce fait l'a mis d'abord en colère, aggravant les "accidents", ce qui ne fit qu'impliquer encore plus son frère dans l'équation. Le jour où celui-ci utilisa la légimencie sur elle, marqua un tournant dans la manière dont elle le voyait. En un instant, il était devenu une menace potentielle. En réponse, elle se mit à apprendre l'occlumencie et si ses débuts furent compliqués et non-concluants, elle finit par acquérir la maîtrise de cet art bien des années plus tard.

On aurait pu la considérer comme une solitaire, mais la population du collègue préférait la qualifier de monstre. Remarques blessantes, insultes parfois, autant de comportements qui glissaient sur elle comme l'eau sur la roche, à première vue sans conséquences, mais l'érosion se faisait bel et bien lentement. Les consignes de la famille étaient claires, pas de vague en société alors elle passait son chemin, rongeant son frein et ses envies de réduire quelques insignifiants à l'état de puzzle que leurs parents ne pourraient pas remonter, même s'ils le voulaient. Avec les années, les comportements se firent plus osés, de paroles on en vint doucement à des interactions physiques. Sa retenue, imposée par les mantras familiaux, faillit n'être qu'un souvenir au détour d'une énième confrontation avec les Griffondors, mais elle fut secourue par une âme charitable. Le jeu "faire réagir Rosier" finit par prendre fin grâce à l'intervention de Themis et bien malgré elle, cette dernière devint un nouveau point d'ancrage dans ce monde qu'elle comprenait si mal. Emily ne la qualifierait jamais d'amie, incapable de réellement saisir la notion d'amitié, mais plutôt de possession dont elle prenait soin. Elle avait trouvé en Themis un substitut à la présence de son frère. Un placebo clairement, mais qui fit plus que son effet pendant le reste de sa scolarité.


À peine de sortie de l'école, diplômée avec succès et félicitations, Emily fut fiancée au sang pur Suédois Leiv Kolsteinsson. S'il n'y avait pas eu la distance que cela pouvait mettre entre elle et Azraël, la jeune femme n'aurait rien eu à y redire. Mais il était hors de question qu'elle quitte définitivement l'Angleterre, elle mit donc à profit sa dernière année de liberté pour trouver une solution à ce léger désagrément. Ce furent les relations familiales au ministère qui lui apportèrent la solution idéale, en la plaçant au sein du département des relations internationales, spécialité Suédoise. Son plan était assez simple, elle remplirait ses devoirs d'épouse en partageant son temps entre les deux pays et une fois ses obligations remplies, elle aurait plus de latitude pour revenir passer la majeure partie de son temps en Angleterre. Plan grandement facilité par le caractère malléable de son futur époux, assez épris d'elle pour lui passer ses exigences ou "caprices" comme les appellerait sa belle-famille.

C'est un mois avant son mariage que sa mère disparue, une nouvelle qui ne l’atteignit pas vraiment, n’éprouvant aucun attachement pour ses parents. Mais elle assista, d'abord avec hébétude, à la chute de son frère, puis avec mépris pour le moins-que-rien qu'il se bornait à devenir. Le mariage fut maintenu, parce qu'elle n'avait pas de temps à perdre et refusait de voir son plan, ne serait ce que décalé dans le temps. Grand mal lui en prit. La réception fut le théâtre d'un mélodrame familial entre son frère et son père. Mais se donner en spectacle en public, très peu pour elle. La jeune mariée mit fin à l'esclandre de manière, certes, violente, mais qui eut le mérite de remettre tout le monde sur le droit chemin le temps de terminer l’événement.

Remettre sa famille sur pied fut une entreprise plus longue, entre son père sur le déclin qui ne donnait pas la meilleure image de leur famille et son frère qui détruisait le peu de fierté leur restant. Le couperet tomba à l'annonce des Greengrass. Folle de rage contre Azraël pour avoir touché à ce qu'elle lui avait défendu, elle prit sur elle de le remettre sur pied le plus cruellement possible. Elle l'arracha à son addiction sans sommation, allant jusqu'à l'enfermer sans aide pour passer sa période de manque la plus difficile. Ses cris de rage furent une mélodie à ses oreilles, une brise éloignant doucement sa rage vers le lointain. Lorsqu'Emily consentit à laisser son frère regagner le monde, elle était enceinte de 8 mois déjà et Azraël était à nouveau au sommet de ses forces, prêt à conquérir le monde.

La naissance de son fils fut une satisfaction pour tous. L'héritier était là. Emily, ayant rempli sa part du marché, prit le parti de répartir s'installer en Angleterre pour s'impliquer davantage dans sa carrière au ministère, laissant Leiv s'organiser pour l'éducation de son héritier. Les allers-retours furent nombreux, rythmés par les occupations des deux Kolsteinsson, le respect dans leur couple comme base solide, mais l'amour à sens unique en dissonance. Emily copia le comportement de son propre père avec son fils, attendant de lui rien de moins que l'excellence, sans savoir lui témoigner la moindre affection profonde. Emily, excellente duelliste, prit tout de même à cœur de former Rorek, leurs sessions se terminant souvent dans la douleur pour l'adolescent. De manière générale, elle compense ses inaptitudes sociales en s'appliquant à être le meilleur exemple possible d'ambition pour son fils, prenant son envol professionnel dans le monde. Atteindre la position de directrice du département des relations internationales ne fut pas si simple ou rapide ou même légal, mais seuls quelques théoristes du complot la suspectèrent d'avoir volé ce poste et elle les ferait disparaître s'ils venaient à insister sur le sujet. Un mort de plus ou de moins dans ce contexte ne se remarqueraient pas.